Croissance : la France sur la voie de la guérison
LE MONDE ECONOMIE | Patrick Roger
En se risquant à diagnostiquer que « la France va mieux », le 14 avril sur France 2, lors de l’émission « Dialogues citoyens », François Hollande a déclenché une avalanche de commentaires sarcastiques ou sceptiques. « Il est difficile d’être à ce point en décalage avec l’opinion de la grande majorité des Français », a sèchement réagi celui qui se présente comme le favori, selon les enquêtes d’opinion, de la primaire de la droite pour l’élection présidentielle de 2017, Alain Juppé.
Pourtant, les récents indicateurs économiques, à commencer par le chiffre de la croissance au premier trimestre, publié vendredi 29 avril (+ 0,5 %), ne donnent pas tort au président de la République. Jamais, depuis le début de son mandat, autant de clignotants n’avaient envoyé de signaux favorables. La plupart des économistes s’accordent à y voir une réelle embellie. Fragile mais réelle.
Sur le front de l’emploi, tout d’abord. Le nombre de demandeurs d’emploi sans activité inscrits à Pôle emploi enregistre une diminution de 60 000 personnes au mois de mars (– 1,7 %). Un reflux significatif d’autant plus que, sur le premier trimestre, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A est en baisse de 49 500. L’année 2015 avait déjà marqué une reprise dans le secteur marchand avec la création de 82 000 emplois.
Les données publiées par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) sur les embauches au premier trimestre 2016 confirment cette amélioration. Le nombre de déclarations d’embauche hors intérim de plus d’un mois progresse…
« Ça va (un peu) mieux », mais ce n’est pas la croissance ou le chômage qui le prouvent
ÉCONOMIE – Il arrive quand même à François Hollande d’avoir de la chance. Dans la même séquence, il a pu se féliciter d’un contrat d’armement « historique », des bons chiffres du chômage et d’une croissance meilleure que prévue au premier trimestre.
Alors, « ça va mieux », comme il s’en était vanté lors de ses Dialogues Citoyens sur France 2? Eh bien, tout dépend de la manière d’aborder le sujet. Si l’on se place dans la perspective de ces dernières semaines, voire de ces derniers mois, le président a raison.
Pour le comprendre, il vaut mieux sortir des chiffres du PIB ou du chômage, toujours difficiles à interpréter tant ils sont irréguliers. Il existe des indicateurs économique plus pointus, et plus fiables qui démontrent mieux l’embellie de notre économie.
Mais attention aux excès d’enthousiasme, ils risquent de vous faire tomber de haut si ces bonnes nouvelles ne se confirment pas dans la durée. La comparaison avec nos voisins européens montre que l’économie française est encore dans un triste état…
- Les carnets de commandes se remplissent, surtout dans les service
Dans ce domaine, ce sont les indicateurs « PMI » qui servent de référence. Quand cet indice synthétique est inférieur à 50, l’activité se contracte, quand il est supérieur, elle se développe.
Selon le cabinet d’analyse économique Markit, l’indice PMI de l’Activité Globale en France s’est redressé à 50,5 en avril, contre 50 en mars, « un plus haut de 5 mois ». Cette progression est due au dynamisme de services (50,8 en avril contre 49,9 en mars). Au contraire, l’indice PMI de l’industrie manufacturière est au plus bas depuis huit mois (48,3 contre 49,6 en mars).
- Les entreprises sont plus rentables
Oui, la politique de baisse des charges sur les entreprises porte ses fruits. Entre le CICE et le Pacte de responsabilité, cumulés avec la baisse des prix du pétrole, le taux de marge des entreprises augmente à nouveau.
Ainsi au quatrième trimestre 2015, le taux de marge des entreprises non financières a atteint 31,4 % de la valeur ajoutée, soit son plus haut niveau depuis début 2011.
Résultat, la capacité d’autofinancement des entreprises est en hausse 10 points sur un an. Fin 2015, 86,6 % des entreprises étaient capables d’autofinancer leurs investissements. Mis bout à bout, ces éléments expliquent que les défaillances d’entreprises soit en forte baisse (-10% en premier trimestre par rapport à 2015).
- Le moral des ménages et des entrepreneurs retrouve des couleurs
Les ménages français ne sont pas convertis à l’optimiste, mais leur moral se stabilise. En avril, l’opinion des ménages sur leur situation financière personnelle est stable pour le troisième mois consécutif. La proportion de ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants n’a pas bougé non plus.
En revanche, l’opinion sur leur capacité d’épargne actuelle se redresse un peu, après avoir atteint le mois précédent son plus bas niveau depuis mars 2012.
En parallèle, l’indicateur de climat des affaires en France est aussi resté stable. Calculé à partir des réponses des chefs d’entreprise des principaux secteurs d’activité, il est un point au-dessus de son niveau de long terme (100). Le climat gagne deux points dans l’industrie et le bâtiment, tandis qu’il perd un point dans les services et deux points dans le commerce de détail.
- Le BTP donne des signes encourageants
Selon l’Observatoire économique des régions, le nombre total de logements mis en chantier fin mars 2016 était de 338.700 unités sur un an, en progrès de +3,3% par rapport à mars 2015.
Ce rebond est dû à la construction de logements collectifs (immeuble) qui connait une croissance de +6,2% sur 12 mois. Les mises en chantier se fixent à 206.900 logements collectifs, au plus haut depuis 2012.
Le nombre total de logements autorisés est également en forte croissance (+8,2% sur un an) à 378.400 unités.
- … mais il est encore trop tôt pour crier victoire
Si l’amélioration de ces indicateurs doit réjouir les Français, elle ne peut pas faire oublier que l’économie française reste dans un triste état.
« L’amélioration des chiffres du chômage est essentiellement due à la baisse du chômage des moins de 25 ans. Mais la France reste 5 points au-dessus de la moyenne européenne dans ce domaine », avertit Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque. Ce que François Hollande semblait d’ailleurs ignorer…
Quant au taux de chômage global, il reste non seulement à un niveau historiquement élevé, mais il stagne alors que le reste de l’Europe a entamé sa descente depuis un, voire deux ans.
Enfin, le bon chiffre du PIB demande à être confirmé. « Le fort niveau de consommation est à relativiser parce que les Français ne s’attendent pas à des hausses de revenus, détaille Christopher Dembik. La forte hausse au premier trimestre peut être rééquilibrée au deuxième trimestre. »
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Croissance : avec 0,5% au 1er trimestre, la France fait mieux que prévu
Dans une première estimation, l’Insee a annoncé une hausse de 0,5% du PIB au 1er trimestre. Ce chiffre est meilleur qu’attendu puisque les analystes tablaient en moyenne sur une hausse de 0,4%.
Cette performance a été permise par une forte hausse de la consommation des ménages et la poursuite de celle de l’investissement des entreprises, selon la première estimation publiée vendredi par l’Insee.
Le PIB 2015 confirmé
L’institut a confirmé dans le même temps le niveau de croissance du dernier trimestre 2015, +0,3%, ce qui fait que le produit intérieur brut de la France (PIB) a bien progressé l’an passé en moyenne de 1,2%, son niveau le plus élevé depuis 2011, après +0,2% en 2014.
Trente économistes interrogés par Reuters prévoyaient une hausse de 0,4% (prévision médiane) au 1er trimestre, leurs estimations allant de +0,1% à +0,4%. La dernière prévision de l’Insee, publiée mi-mars, était également de +0,4%, de même que celle de la Banque de France.
Dans un communiqué, le ministre des Finances Michel Sapin estime qu’une « croissance solide est enclenchée, avec une consommation en forte hausse et un investissement des entreprises qui accélère ».
« Notre action porte ses fruits, nous la poursuivrons avec détermination dans les prochains mois », s’est réjoui le ministre dans une déclaration transmise à l’AFP. « C’est une croissance solide qui est enclenchée », a-t-il ajouté.
Même son de cloche du côté du président du groupe socialiste et apparentés au Sénat, Didier Guillaume, pour qui, pas de doute, « ça va mieux ».
Satisfaction, mais du bout des lèvres, aussi, de l’ancienne présidente du Medef Laurence Parisot.
Un acquis de croissance substantiel
L’acquis de croissance pour 2016, à savoir la marque pour toute l’année si le PIB des trois derniers trimestres devait stagner, « est déjà de 1% à l’issue du 1er trimestre, ce qui signifie qu’avec moins de 0,4% de croissance chaque trimestre, l’objectif de 1,5% (retenu par le gouvernement) sur l’année sera atteint », ajoute-t-il.
La contribution de la demande intérieure finale à la croissance du trimestre a été positive de 0,9 point, soit un plus haut depuis le dernier trimestre 2006.
Mais celle de la variation des stocks des entreprises, qui restait sur deux trimestres solides, a été négative de 0,2 point et la contribution du commerce extérieur reste dans le rouge à -0,2 point, en raison d’un léger recul des exportations et d’une hausse des importations.
Les dépenses de consommation des ménages ont augmenté de 1,2%, soit leur plus forte hausse depuis fin 2004, cette progression concernant tant les biens fabriqués (+2,4%), que l’énergie (+1,5% à la faveur de températures plus basses que fin 2015) et les services (+0,6%).
Les investissements privés en soutien
Ces derniers ont bénéficié notamment du rebond des dépenses dans l’hébergement-restauration, un secteur pénalisé fin 2015 par les attentats islamistes de novembre à Paris et Saint-Denis.
L’investissement global a augmenté de 0,9% grâce aux entreprises (+1,6%), dont les dépenses dans ce domaine dépassent enfin le record établi au premier trimestre 2008, avant la crise.
Celui des ménages accuse en revanche un onzième trimestre consécutif de baisse, signe que le rebond signalé dans le logement peine à se concrétiser.
Pourquoi il faut 1,5% de croissance pour faire baisser le chômage
Le seuil à partir duquel la croissance peut faire baisser le chômage dépend de la productivité de l’économie. Plus les salariés sont efficaces, plus la croissance doit être forte pour créer des emplois.
• Comment calcule-t-on le taux de croissance à partir duquel l’économie créé des emplois?
Ce taux de croissance minimum dépend de la productivité de l’économie: si les salariés d’une entreprise se mettent à produire plus dans le même laps de temps parce qu’ils sont plus efficaces, leur employeur aura besoin d’embaucher d’autant moins si son carnet de commandes se remplit. A l’échelle de l’économie toute entière, une productivité en hausse de 1% sur un an nécessite ainsi une croissance du PIB au moins égale à 1% pour que l’économie créeé des emplois. «Actuellement, nous estimons que la croissance de la productivité avoisine les 0,8% ou 0,9%. C’est à partir de ce seuil de croissance seulement que les entreprises devraient recommencer à embaucher», explique Eric Heyer, économiste à l’OFCE.
Mais créer des emplois ne signifie pas encore faire baisser le chômage. Une autre variable entre en effet en ligne de compte: la population active. Chaque année, de nouveaux salariés font leur entrée sur le marché du travail et recherchent un emploi. En 2014, l’Insee a ainsi compté 160.000 actifs de plus que l’année précédente, surtout parce que les seniors ont travaillé davantage. Cela signifie que cette année-là, le taux de chômage ne pouvait pas baisser tant que l’économie n’avait pas créé plus de 160.000 postes. «En additionnant la hausse de la population active avec celle de la productivité, on obtient le taux de croissance minimum à partir duquel le chômage peut baisser. Aujourd’hui, c’est en effet environ 1,5%», constate Jean-François Ouvrard, directeur des études chez COE-Rexecode.
• Ce chiffre est-il fiable?
Il n’y a pas de consensus total sur ce chiffre parce que la croissance de la productivité est difficile à mesurer. «Le chiffre de 0,8 ou 0,9% n’est qu’une moyenne sur plusieurs années, explique Eric Heyer. A l’intérieur même du cycle de productivité, il y a des variations. En période de crise par exemple, les entreprises françaises ne se séparent pas tout de suite de leurs salariés, ce qui fait baisser leur productivité. A l’inverse, elles ne réembauchent pas dès que la croissance repart. Notre analyse est que les entreprises n’ont pas suffisamment licencié pendant la dernière crise et que de ce fait, même si la croissance dépasse les 0,8 ou 0,9%, elles préfèreront restaurer leur productivité plutôt que d’embaucher. Nous observons que c’est actuellement plutôt autour de 1,2% de croissance que l’économie recrée des emplois».
D’autres facteurs contribuent à relativiser ce seuil fatidique. Créés sur deniers publics, les emplois aidés peuvent par exemple faire baisser le chômage sans croissance. L’emploi à temps partiel, en ce qu’il est une façon de partager le travail, contribue aussi à réduire le nombre de chômeurs pour un taux de croissance donné, mais au détriment de la qualité de l’emploi. Enfin, l’Allemagne, en créant des «mini-jobs» peu rémunérés, a par exemple remis sur le marché du travail des personnes, moins qualifiés, qui en étaient jusque là exclues. Ses gains de productivité ont de fait diminué. Berlin a ainsi fait baisser le taux de croissance à partir duquel le chômage baisse.
• Ce seuil varie-t-il dans le temps et selon les pays?
Oui, car la croissance de la productivité, comme celle de la population active, varient selon les époques et les lieux. La productivité française augmentait par exemple beaucoup plus vite par le passé. Sa croissance était encore d’environ 2% dans les années 1980. L’industrie, secteur où les gains de productivité sont plus importants que dans les services à la personne par exemple, pesait alors plus lourd dans l’économie. Il faut aujourd’hui moins de croissance pour faire baisser le taux de chômage que dans les années 1980.
La population active n’est pas moins inconstante. Si elle augmente aujourd’hui de plus de 100.000 personnes par an en moyenne, l’Insee prévoit qu’elle augmentera beaucoup moins, voire qu’elle diminuera aux alentours de 2030. Chaque emploi crée permettra alors de faire baisser le chômage. En Allemagne, la population active croît encore faiblement, mais devrait diminuer bien plus vite que chez nous. Sauf recours à l’immigration, les entreprises allemandes devraient alors éprouver encore plus de difficultés à trouver de la main d’oeuvre.
• Une productivité faible, c’est donc bon pour l’emploi?
A court terme oui, mais pas à long terme. Si une faible croissance de la productivité permet de créer rapidement des emplois, elle nuit en effet, à long terme, à la compétitivité de l’économie. «On pourrait croire que les gains de productivité sont l’ennemi de l’emploi, mais c’est tout le contraire! explique Jean-François Ouvrard. Réaliser des gains de productivité, c’est une façon de s’enrichir. Ils permettent aux entreprises de se constituer des marges, d’innover… La baisse du temps de travail ces cent dernières années n’a été possible que parce que la productivité avait fortement augmenté!»
• Est-il possible de modifier ce seuil?
Les gouvernements ont la possibilité d’enrichir la croissance en emplois. Ils le font régulièrement en allégeant le coût du travail sur les bas salaires. C’est encore l’objectif du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Baisser le coût du travail permet aux entreprises d’embaucher davantage pour un même carnet de commande. Mais en encourageant l’emploi des personnes les moins qualifiés aux dépens des plus qualifiées, ces politiques contribuent aussi à diminuer les gains de productivité, et donc le seuil à partir duquel l’économie crée des emplois. «Mais ces politiques sont insuffisantes, prévient Jean-François Ouvrard. S’il y a un problème de coût du travail sur les bas salaires, il faut le traiter, mais il faut aussi s’attacher à mener une politique en faveur de l’innovation pour favoriser la compétitivité de l’économie à long terme».
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PIERRE-MARIE MURAZ Hé, ho, la gauche, ça va mieux ! à répéter tous les matins … puis prendre un anti émétique, plus un somnifère !
OK je sors « Le chômage touche 5,5 millions de personnes, 10% de la population active » M. Roger, comment pouvez-vous écrire un ânerie pareille : la population active fait 55 millions de personnes maintenant ?
Guy Abeille 5,5 millions de « chômeurs toutes catégories » ne sont pas 10% de la population active. Cette dernière (recensement 2012, derniers chiffres Insee) est de 29,6 millions ; les 5,5 millions rapportés à ce nombre représentent donc 18,5% du total. Le taux de chômage se réfère (essentiellement) à la catégorie A (aucune activité) ; il est donc, en effet, inférieur. Mais il ne faut pas confondre les deux données.
thierry caron Bien sûr, de toute manière il fallait bien que la croissance revienne. Sauf que « croissance » ne signifie pas forcément emploi, il se peut très bien que la croissance qui vienne ne touche, comme pour la croissance internet, que quelques techniciens et ingénieurs, pendant que le reste des chômeurs restent sur le bord du chemin ! On aura alors quelques secteurs porteurs et…de plus en plus de chômeurs ! Alors quand est ce qu’on change notre logique sociale ? Jamais ? C’est ridicule…
perplexe On sent à quel point il vous déplairait que la situation s’améliore…
JULIEN GUEZENNEC Rendez-vous dans 10 ans pour juger ce quinquennat. Beaucoup regretteront leur jugement de 2016.
aloes +1 Je ne cesse de le dire avec modération depuis un an , et je me fait tacler par des contradicteurs sans modération
Fais ..excuse