Sahel : La France insoumise demande un débat parlementaire sur la fin de l’opération militaire Barkhane
DEFENSE 20 Minutes avec AFP
Dans la foulée de l’annonce d’Emmanuel Macron de mettre un terme à l’opération militaire Barkhane au Sahel, le groupe parlementaire La France insoumise a réclamé jeudi soir un « débat parlementaire » à ce sujet. Le parti critique le « flou des formulations du président et la précipitation qui semble le guider », le groupe a souligné dans un communiqué qu’il « ne saurait s’opposer au principe d’une refonte de cette opération. A condition qu’elle s’achemine vers un retrait de l’armée française »
Il a déploré les pertes humaines dans les rangs des soldats français et des civils maliens, ainsi que le coût de l’opération, pour un résultat insuffisant selon lui. « Je suis très inquiète de l’embourbement dans cette région et surtout, je continue à en appeler à un débat parlementaire parce que, pour l’instant, la façon dont le président de la République gère ce type d’intervention se passe totalement de débat national », a regretté vendredi Clémentine Autain, députée et tête de liste LFI pour les régionales en Ile-de-France.
Vote au Sénat le 22 juin
« Est-ce qu’on tire un bilan de savoir à quoi ça a servi d’être ainsi présent ? Est-ce qu’on a fait reculer véritablement l’ennemi que nous cherchions à abattre ? Comment les populations locales ont pris notre intervention ? Tout ça doit être posé sur la table », a-t-elle énuméré sur Public Sénat. Le gouvernement doit faire à l’Assemblée nationale, le 22 juin, puis au Sénat, une déclaration sur la programmation militaire, qui sera suivie d’un vote.https://www.ultimedia.com/deliver/generic/iframe/mdtk/01357940/src/pksfkk/zone/1/showtitle/1?tagparam=category%3Dmonde%26subcategory%3Dmonde%2Cmilitaire%2Carmee%2Cemmanuel-macron%2Cfrance-insoumise%2Cmali%2Csahel
Pour Jean-Louis Bourlanges, président MoDem de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée, « les conditions d’efficacité (de Barkhane) n’étaient plus réunies ». Mais « on ne peut pas se dégarnir sur cette frontière sud de l’Europe », a-t-il noté. « Il faut qu’on soit, non pas à la place des Africains, ce qui était un peu la logique dans laquelle on s’enfermait avec Barkhane, mais avec les Africains », a-t-il commenté sur Cnews vendredi. « Le président a indiqué des voies, on va voir maintenant comment ça se concrétise », a-t-il conclu.
Huit ans d’engagement massif
Aurélien Taché, député ex-LREM et membre de la commission de la Défense nationale, avait estimé jeudi sur Twitter « si l’opération Barkhane au Mali était construite sur de bonnes intentions, force est de constater que cette stratégie d’ingérence, comme celle des USA en Afghanistan ou celle de Nicolas Sarkozy en Libye, n’a pas été payante ! »
Après plus de huit ans d’engagement massif, Emmanuel Macron a annoncé jeudi une réduction de la présence militaire française au Sahel, marquée par la fermeture de bases et une réarticulation de la lutte antidjihadiste autour d’une « alliance internationale » associant des Européens. Le président n’a pas donné d’indications chiffrées en termes d’effectifs mais a évoqué une réduction des « emprises », c’est-à-dire du nombre de bases françaises dans la région. Paris déploie actuellement quelque 5.100 soldats contre les djihadistes affiliés à Daesh et à Al-Qaïda, pour soutenir les armées affaiblies des Etats du Sahel qui peinent à les combattre seules.
Vu du Burkina Faso.
La fin de l’opération Barkhane au Sahel, c’est “la fin d’un leurre”
En attendant un enterrement de première classe, ou une inhumation dans l’intimité familiale, la force Barkhane vient, après une lente agonie, de pousser son dernier soupir [cette opération militaire a remplacé en 2014 l’opération Serval lancée deux ans plus tôt au Mali pour combattre les groupes terroristes dans le nord du pays]. C’est le plus simplement du monde, au détour d’une conférence de presse, qu’Emmanuel Macron a annoncé sa mort, après sept années de lutte contre le cancer du terrorisme qui a touché le Sahel africain.
La force française, forte de ses 5 100 hommes, dont 50 ont été avalés par le sable chaud du Sahel, aura affronté le danger des canons des djihadistes au quotidien, mais aura surtout souffert de ce sentiment anti-français qui n’a cessé d’enfler, au point de constituer un gros caillou dans les rangers des “Macron boys”.À LIRE AUSSIVu de Suisse. La France au Sahel, une guerre perdue d’avance ?
Mais la force Barkhane a pris un autre plomb dans l’aile : la majorité des Français la désavoue, parce que budgétivore et dévoreuse des “enfants de la patrie”, à des milliers de kilomètres de la France. Qui plus est, la France s’était embarquée seule dans l’aventure. Pourtant, le combat de Barkhane sur le terrain porte le double sceau de l’appui aux pays sahéliens quotidiennement endeuillés par les assauts des djihadistes, malandrins et trafiquants de grand chemin.
Un nouveau putsch au Mali comme déclencheur
Compte tenu du désaccord manifeste des Français, maintenir cette force, en tout cas dans son format actuel, devenait suicidaire pour Emmanuel Macron pour une raison toute simple : la douzième élection présidentielle de la cinquième République, c’est pour avril 2022 ! C’est dans peu de temps et l’actuel locataire de l’Élysée qui est loin d’avoir toutes les faveurs des pronostics est conscient que l’opinion publique, ça compte en France. Il n’a donc aucun intérêt à s’attirer la foudre d’un électorat qu’il doit conquérir ou reconquérir !
De même, le deuxième coup d’État en seulement neuf mois au Mali [fin mai, le colonel Assimi GoÏta a renversé le président de la transition malienne], qui a provoqué l’ire d’Emmanuel Macron sur fond de rivalité russo-française, est du vrai pain bénit pour l’Élysée. Paris saisit cette opportunité pour sortir Barkhane des sables mouvants du Sahel dans lesquels la France s’empêtrait.
C’est comme le remake de ce film de guerre réalisé par les États-Unis en Afghanistan à l’époque. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Barkhane est sur le point d’abandonner le Sahel avec “ses” terroristes comme les GI’s sont partis sans gloire de Kaboul et des montagnes afghanes, abandonnant les Afghans avec leurs Talibans !
Une responsabilité africaine
Mais la France ne quitte pas militairement le Sahel. Elle y est, et y restera avec ses partenaires américain et européens [la France sera désormais engagée au Sahel au sein d’une coalition internationale, en appui aux armées locales]. Avec la fin de Barkhane, c’est la fin d’une époque et d‘un leurre, celui qui faisait croire que la guerre contre le terrorisme était en train de se gagner.
Quant à ces dirigeants africains, ils feignent toujours, pour des intérêts personnels et très égoïstes, d’ignorer que la sécurité et la défense de leurs pays respectifs constituent des domaines hautement de souveraineté. Prennent-ils seulement conscience que les terroristes seront plus que jamais maîtres de ces zones, dont celle dite des “Trois frontières” que partagent le Mali, le Burkina Faso et le Niger ?À LIRE AUSSIVu de Guinée. Mort de trois soldats français au Mali : “un rappel à la dure réalité”
Certes, les armées nationales pourraient jouer les épouvantails, mais sont-elles seulement équipées convenablement pour faire face à l’hydre terroriste ? Qui plus est, comment se débrouillera le renseignement, talon d’Achille des forces armées des pays du G5 Sahel ? À moins que “l’alliance internationale” évoquée par Emmanuel Macron, au lieu de se lancer dans une nouvelle aventure, apporte une réponse concrète à la survie des pays écumés par les terroristes, en renforçant le G5 Sahel.
En tout cas, il est temps que les Africains, prennent leurs responsabilités et replient les bras qui tiennent la sébile, que ce soit en direction de la France, de la Russie, de la Chine ou des États-Unis.
Impopulaire en France, enlisée au Mali : pourquoi l’opération Barkhane va s’arrêter
Thomas Liabot © AFP
Emmanuel Macron a annoncé jeudi la transformation de l’opération Barkhane et réclamé des engagements clairs au nouveau gouvernement malien. Explications.
« Le temps est venu. » Emmanuel Macron a annoncé jeudi que la France allait amorcer « une transformation profonde » de sa présence militaire au Sahel. Cette évolution impliquera « la fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure » et la « mise en œuvre d’une alliance internationale associant les Etats de la région et tous nos partenaires, strictement concentrée sur la lutte contre le terrorisme », a-t-il précisé. Concrètement, la France entend cesser d’essayer de sécuriser de vastes zones sur lesquelles les Etats du Sahel ne parviennent pas à garder pied pour se concentrer sur la lutte ciblée contre les djihadistes.
Le calendrier attendu. Emmanuel Macron n’a pas donné de date sur l’évolution de la mission, ni détaillé les réductions d’effectifs, expliquant qu’il communiquera de nouveau sur le sujet à la fin du mois. Mais l’Elysée a précisé à l’AFP à l’issue de la conférence de presse que « les transformations annoncées vont démarrer rapidement », avec le désengagement des premières bases, au nord du Mali, « à l’horizon de l’automne ». Le Monde évoque de son côté trois étapes :
- La fermeture des premières bases début 2022.
- Une baisse de 30% des effectifs d’ici à l’été 2022.
- Une réduction de 50% des effectifs actuels, début 2023, à environ 2.500 hommes.
Pourquoi Macron agit maintenant. L’annonce d’Emmanuel Macron était attendu. « Nous n’avons pas vocation à rester éternellement là-bas », avait encore rappelé le chef de l’Etat fin mai dans une interview au JDD. Depuis 2014, l’opération Barkhane concentre en effet 5.100 soldats français au Sahel et a déjà déploré 51 morts. Un conflit qui pèse sur l’opinion publique : selon un sondage Ifop pour Le Point, 51% des Français ne se disaient pas favorables à l’intervention française au Mali, début 2021. Néanmoins, plusieurs facteurs semblent avoir accéléré le processus :
- Le coup d’Etat du colonel Assimi Goïta, fin mai, le deuxième en l’espace de neuf mois, a tendu les relations entre Paris et Bamako. En réponse, la semaine dernière, les opérations militaires conjointes avec les forces maliennes avaient déjà été suspendues. Pour Emmanuel Macron, il est impossible de se « substituer au retour de l’Etat et des services de l’Etat, à la stabilité politique et au choix des Etats souverains ». « C’est le constat qu’une opération militaire qui dure devient comptable des échecs politiques dans ces pays », a ajouté l’Elysée, après la conférence de presse, pointant une « frustration sur le retour de l’Etat dans les pays sahéliens » avec un « tableau inégal ».
- La France déplore aussi des dissensions avec les autorités maliennes quant à la stratégie à adopter, alors que Bamako ne s’oppose plus à négocier avec les djihadistes. Emmanuel Macron a donné une condition pour la reprise des opérations conjointes avec l’armée malienne : l’engagement « clair » des autorités de transition à ne pas dialoguer avec les djihadistes. « On ne peut pas souffrir l’ambiguïté, estime le chef de l’Etat. On ne peut pas mener des opérations conjointes avec des pouvoirs qui décident de discuter avec des groupes qui, à côté de cela, tirent sur nos enfants. Pas de dialogue et de compromission », a-t-il martelé.
- Un autre facteur d’instabilité est venu s’ajouter à cela, ces dernières semaines, avec la mort du président tchadien Idriss Déby, qui était à la tête de l’un des rares pays de la région doté d’une armée robuste, et donc un acteur majeur sur l’échiquier sécuritaire au Sahel.
Et comme le rappelle Le Monde, l’arrivée de la saison des pluies offre un bon timing à Emmanuel Macron, car les attaques djihadistes diminuent généralement durant cette période.
Priorité à la force Takuba. La fin de Barkhane ne signifie pas le désengagement de la France dans la lutte antiterroriste au Sahel. L’accent sera mis sur « des forces spéciales structurée autour de l’opération Takuba », a précisé Emmanuel Macron, rappelant que « plusieurs centaines de soldats » français seraient encore mobilisés. La force Takuba est un groupement de forces spéciales européennes initié par la France qui rassemble aujourd’hui au Mali 600 hommes dont une moitié de Français, ainsi que quelques dizaines d’Estoniens et de Tchèques et près de 140 Suédois. Par ailleurs, la France maintiendra « un pilier » de « coopération avec les armées partenaires » du Sahel. Et elle ne renonce pas à obtenir un soutien plus important de la présence européenne sur place.
Une menace toujours importante. La France a engrangé des succès importants contre l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et les organisations affiliées à Al-Qaïda regroupées au sein du GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), sans enrayer toutefois la spirale djihadiste. Iyad Ag Ghaly, le chef du GSIM, responsable de très nombreuses attaques au Mali, au Burkina Faso, et au Niger, apparaît désormais comme l’objectif prioritaire de Barkhane. « C’est la priorité numéro une (…) Pour nous c’est la personne qu’il faut absolument réussir à capturer, voire neutraliser si ce n’est pas possible de le capturer, dans les prochains mois », soulignait le commandant des opérations spéciales, le général Eric Vidaud, le 3 juin sur la chaîne France 24.
Fin de Barkhane : les opérations extérieures, un coût humain et financier pour la France
lexpress.fr
Emmanuel Macron a annoncé jeudi une réduction de la présence militaire française du Sahel. Cette transformation impliquera « la fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure ».© afp.com/Daphné BENOIT Plus de 5000 soldats sont déployés dans le cadre de la force française Barkhane.
L’annonce était attendue. Elle n’en demeure pas moins fracassante. Après plus de huit ans d’engagement massif, Emmanuel Macron a dévoilé jeudi une réduction de la présence militaire française du Sahel, marquée par la fermeture de bases et une réarticulation de la lutte antidjihadiste autour d’une « alliance internationale » associant des Européens. Paris compte donc sur « l’internationalisation » de l’effort d’accompagnement au combat des forces locales, sous-équipées et sous-entraînées.
Concrètement, la France souhaite cesser d’essayer de sécuriser de vastes zones où les Etats n’arrivent pas à garder pied, et va se concentrer sur la lutte ciblée contre les djihadistes.LIRE AUSSI >> Mali : contestée, l’opération Barkhane se cherche un avenir
L’annonce survient alors que le Mali, un pays clé dans la région, a connu un deuxième coup d’Etat en moins d’un an, qui a crispé les relations Paris-Bamako et interroge la présence française sur place. « Nous allons amorcer une transformation profonde de notre présence militaire au Sahel », a déclaré le président français lors d’une conférence de presse, en référence aux 5100 soldats déployés dans le cadre de la force française Barkhane. Le président de la République n’a pas donné d’indications chiffrées en termes d’effectifs mais a évoqué une réduction des « emprises », c’est-à-dire du nombre de bases françaises dans la région. A l’horizon 2023, les effectifs français devraient tourner autour de 2500 personnes, a indiqué une source ayant connaissance du dossier à l’AFP.
Plus de 7000 militaires sont actuellement déployés en opération extérieure (OPEX), hors missions particulières comme celle du porte-avions, dont plus de 5000 au Sahel, dans le cadre de l’opération antidjihadiste Barkhane, qui constitue la plus grosse opération extérieure française. Les autres OPEX, ces « interventions des forces militaires françaises en dehors du territoire national » menées par l’Armée de l’air, sont notamment Chammal, en Irak et en Syrie ; Sangaris en République centrafricaine ou encore Baltic dans les trois pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie).
Les OPEX, un coût de 1,461 milliard d’euros en 2020
La question du coût financier et du surcoût de ces opérations extérieures revient régulièrement dans les débats. Le ministère des Armées fait chaque année une estimation de ce que ces interventions vont lui coûter et puis en fonction des dépenses engagées, ce budget est réévalué. Nouveauté en 2020 : le ministère des Armées a supporté la totalité du budget des OPEX. Habituellement, une partie des dépenses liées à ces missions était répartie sur l’ensemble des ministères afin d’alléger le budget des armées.LIRE AUSSI >> Brouillage, interférences… Les nouvelles armes de la guerre électronique
Au final, en 2019, les OPEX avaient coûté 1,398 milliard d’euros, loin de la provision de 1,1 milliard prévue dans le budget, ce qui a entraîné des réaffectations internes dans le budget, au détriment d’autres postes de dépenses. En 2020, le coût des OPEX et des missions intérieures (Missint) était un peu supérieur à celui de l’année précédente : 1,461 milliard d’euros, soit une hausse de plus de 60 millions d’euros par rapport à la facture de 2019. Comme le rappelle La Tribune, en dépit d’une baisse du coût de l’opération Chammal au Levant, ce surcoût s’explique essentiellement par le renforcement des effectifs de l’opération Barkhane, alors que 600 militaires supplémentaires ont été déployés au début de l’année pour atteindre 5100 hommes.
Jusqu’en 2017, le budget octroyé à l’armée était très éloigné des dépenses réelles. Cette année-là, la provision budgétaire pour les OPEX était de 450 millions d’euros alors que le coût réel avait atteint 1,3 milliard d’euros. Comme le rappelle BFMTV, cette mécanique budgétaire a été relevée en 2016 par la Cour des comptes et un rapport du Sénat qui notait qu’au cours des trois derniers exercices, le coût des OPEX dépassait le milliard d’euros chaque année. Le rapport signalait que le coût unitaire, par militaire projeté, avait été multiplié par deux en dix ans pour atteindre plus de 100 000 d’euros par soldat déployé par an. Les OPEX pèsent une petite part des 37 milliards et demi d’euros du budget total du ministère des Armées qui, entre 2019 et 2020, a été augmenté de 4%. Ce milliard d’euros représente environ 16 euros par habitant.
« C’est vraiment la mauvaise nouvelle de l’année » : les réactions au Mali après l’annonce de l’évolution de l’opération Barkhane
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Emmanuel Macron a annoncé jeudi la fin, sous sa forme actuelle, de l’opération Barkhane déployée au Sahel pour lutter contre le jihadisme. La décision qui intervient après le coup d’État militaire divise les Maliens, entre peur et satisfaction.© Fournis par franceinfo
Le chef de l’État avait prévenu : les deux coups d’États successifs au Mali auraient des conséquences sur les actions menées par les troupes françaises sur le territoire. Jeudi, Emmanuel Macron a affirmé sa volonté de transformer en profondeur la présence de la France dans cette partie du Sahel et entend s’appuyer sur une force internationale. Un changement important, alors que Barkhane qui a succédé à l’opération Serval, est au Mali depuis huit ans.
À Bamako, vendredi 11 juin, la nouvelle divise les habitants entre peur et satisfaction. Pour certains, la fin de l’opération Barkhane telle qu’ils la connaissent est plus qu’une source d’inquiétude. C’est une peur qui se réinstalle, notamment pour les habitants du nord du pays qui ont dû fuir pour se réfugier dans la capitale malienne. Pour Mohamed, croisé à Bamako, « c’est vraiment la plus mauvaise nouvelle de l’année.«
« Pour moi, Barkhane est capitale parce que nous avons été chassés du nord en 2012 et je sais que lorsque (l’opération) Serval est arrivée, c’est là que les gens du nord ont commencé à respirer. »Mohamed, habitant de Bamako
franceinfo
Certains habitants du centre du pays accueillent au contraire positivement la future évolution des militaires français. « Qu’ils partent, s’ils veulent s’en aller qu’ils s’en aillent. Avec eux, qu’est-ce qui a changé ? Ça a empiré en huit ans. Aujourd’hui, nous sommes au centre et on peut même pas bouger. Il a commencé à retirer, il a qu’à emmener la totalité même de Barkhane », lâche l’un d’entre eux.
Mais que Barkhane parte ou évolue, rien n’avancera au Mali tant que Paris et Bamako buteront sur la question au cœur de la discorde : celle de savoir si on doit discuter ou non avec les terroristes pour espérer ramener la paix.
Florence Parly assure que les armées sahéliennes sont « en mesure de faire face » à leurs ennemis
Les forces armées sahéliennes sont « plus en mesure de faire face à leurs ennemis » après avoir mené de vastes opérations conjointes ces derniers mois avec les troupes françaises, dont « l’engagement militaire restera très significatif », a assuré vendredi la ministre française des Armées Florence Parly.
Réduction de la présence militaire française au Sahel
Après plus de huit ans d’engagement massif, le président français Emmanuel Macron a annoncé jeudi une réduction prochaine de la présence militaire française au Sahel, marquée par la fermeture de bases et une réarticulation de la lutte antijihadiste autour d’une « alliance internationale » associant des Européens.
« Le moment est venu car les forces armées sahéliennes désormais sont plus en mesure de faire face à leurs ennemis, et c’est également possible parce que les Européens sont de plus en plus présents », notamment au sein du groupement de forces spéciales Takuba initié par la France, censé accompagner les soldats maliens au combat, a commenté la ministre des Armées sur France Info.
« Faire évoluer le dispositif »
« Nous sommes de plus en plus en partenariat avec les forces armées sahéliennes que nous avons d’abord formées » via la mission européenne EUTM, « que nous avons entraînées, et avec lesquels nous avons de plus en plus combattu », a-t-elle fait valoir, en évoquant « de grandes opérations cet automne et cet hiver pendant lesquelles les armées françaises et sahéliennes ont constitué un groupe unique de plusieurs milliers d’hommes qui ont combattu ensemble ».
« Elles ont acquis des capacités et cela va nous permettre de faire évoluer le dispositif », a estimé Florence Parly.
La France gardera un engagement « très significatif »
Malgré d’importants efforts de formation et d’entraînement, les forces armées du Mali, du Niger et du Burkina Faso, qui figurent parmi les pays les plus pauvres du monde, demeurent notoirement sous-entraînées et sous-équipées, et sont la cible régulière d’attaques jihadistes.
Interrogée sur le volume de réduction à venir des effectifs militaires français au Sahel, Florence Parly a refusé de dévoiler des chiffres, tout en assurant que « l’engagement militaire de la France restera très significatif » car « il nous faut combattre les groupes terroristes, continuer ce travail qui permettra aux forces armées du Sahel d’être en situation de répondre et de riposter ».
Le retrait de Barkhane fait la Une de la presse française et africaine
Norbert Navarro © AFP – ISSOUF SANOGO Un homme lit le journal à Bamako (image d’illustration).
Le président français Emmanuel Macron a annoncé jeudi 10 juin une « transformation profonde » de la présence militaire française au Sahel et la mise en place d’une alliance internationale antijihadiste dans la région. Une décision largement commentée dans la presse française et africaine de ce vendredi 11 juin.
Au Mali, le journal Malikilé se demande s’il s’agit d’un « aveu d’échec de la stratégie militaire de la France au Sahel », d’un « coup de sang » ou d’une « grosse irritation ».
« Barkhane fait son paquetage ! », lance Wakat Séra, « en attendant un enterrement de première classe, ou une inhumation dans l’intimité familiale, tout dépendra de celui qui en a signé l’acte de décès ». Selon le journal ouagalais, « après une agonie lente », la force Barkhane « vient de pousser son dernier soupir ».
Cette annonce « sonne comme une sanction contre la soldatesque qui vient de confisquer le pouvoir au Mali », formule cet autre journal burkinabè qu’est Le Pays. « C’est aussi, pourrait-on dire, un véritable camouflet pour la Cédéao qui a décidé de caresser le colonel Goïta et compagnie dans le sens du poil (…) Assimi Goïta et ses frères d’armes vont devoir attacher maintenant, solidement les lacets de leurs godasses ».
« Une guerre sans fin, sans défaite ni victoire »
Cette chronique d’une mort annoncée de « Barkhane » fait également la Une dans la presse ce matin en France. « La déception est perceptible, pointe Le Figaro, mais depuis plusieurs mois, la France cherchait un moyen de sortir de ce que ce quotidien appelle le « piège de Barkhane », c’est-à-dire une guerre sans fin, sans défaite ni victoire, qui épuise les crédits militaires et les soldats ». Selon ce journal, Paris craignait d’être « prisonnier d’un scénario à l’afghane ».
Toutefois, insiste Le Figaro, « si Barkhane se termine, la France n’a pas encore quitté le Sahel ». Car si Emmanuel Macron a annoncé « la fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure », le chef de l’État, chef des armées a ajouté que « la poursuite de notre engagement (au Sahel) ne se fera pas à cadre constant ».
Les journaux français s’interrogent sur le changement de format de l’armée française. Cette transformation passera par « la fermeture de bases de l’armée française au Mali avec de possibles redéploiements au Niger, d’où décollent déjà des Mirage 2000 », énonce Le Parisien. Journal auquel le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, depuis Abidjan, Côte d’ivoire, assure que « nous ne renonçons pas au combat contre le terrorisme, il faut adapter Barkhane, mais nous ne renonçons pas à ce combat, en partenariat avec le G5 Sahel ».
Pas encore de chiffres officiels
Se référant à plusieurs sources, Médiapart évoque également « une fermeture des bases militaires françaises du nord du Mali, et un redéploiement vers le Niger et le Tchad ». Ce site internet évoque à peine la question de savoir si l’armée française « voit ou non d’un bon œil la transformation de son engagement sur le continent ».
Quelle réduction d’effectifs ? Rien d’officiel encore, mais, selon des sources officieuses citées par le journal L’Opinion, de 5 100 aujourd’hui, le nombre de militaires français déployés « pourrait passer à 2 500 en 2023 (…) Reste à savoir à quel rythme et jusqu’où ira ce retrait, tant il est difficile de s’extraire d’une telle situation sans perdre la face ».
C’est une vraie loi d’airain de l’arithmétique militaire. Comme l’explique encore L’Opinion, « l’effet militaire d’une réduction des effectifs n’est pas proportionnel à son pourcentage : 10% d’hommes en moins, c’est beaucoup plus que 10% en moins sur le terrain (…) Dans une armée moderne, les fonctions de soutien et d’appui — logistique, renseignement, médical, protection des bases, maintenance, etc — mobilisent des effectifs importants et difficilement compressibles. Le plus simple à réduire, c’est le nombre de personnels qui sortent des bases pour produire un effet militaire sur l’ennemi ».
Voilà pourquoi ce quotidien souligne que la baisse des effectifs de « Barkhane » va devoir être gérée « avec doigté » vis-à-vis des alliés européens de la France. Car pour les Européens, « venir aider les Français est une chose, les remplacer alors qu’ils rapatrient leurs soldats en est une autre, assez différente ».