London calling..

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Patrick ANGEVIN.
Un partisan du Brexit portant les drapeaux anglais et britannique devant le Parlement de Westminster, fin janvier.© Glyn Kirk, AFP Un partisan du Brexit portant les drapeaux anglais et britannique devant le Parlement de Westminster, fin janvier.

Les Britanniques ne feront plus partie de l’Union européenne au 1er janvier. En se faisant le cadeau de Noël d’un accord sur leur future relation, les deux parties évitent une sortie sèche catastrophique.

L’Union européenne et le Royaume-Uni sont tombés d’accord sur les conditions du divorce qui prend effet au 1er janvier. L’accord conclu in extremis jeudi 24 décembre, après dix mois de négociations tendues, va épargner aux « ex » de se séparer fâchés ; il doit préserver les bonnes relations entre quelque 65 millions de Britanniques et 450 millions de citoyens de l’UE.

L’accord de 1 500 pages va maintenant être épluché par les Parlements britannique et européen. Londres devrait faire ratifier le texte dès le 30 décembre. Bruxelles laissera plus de temps aux eurodéputés, mais pas plus tard que le 28 février. Entre-temps, l’accord entrera en vigueur « provisoirement » .

Qu’y a-t-il dans cet accord ?

Un traité de libre-échange. Le principal sujet de l’accord est d’encadrer le commerce entre l’UE et le Royaume-Uni, qui s’élève à quelque 700 milliards d’euros par an. Le principe est « zéro tarif, zéro quota » : absence de droits de douane et de limitation des quantités. Mais attention ! Le Royaume-Uni quitte bien le marché unique, ce qui signifie que les marchandises devront se soumettre aux frontières à un contrôle sanitaire, des normes, etc. C’est donc un retour aux formalités de douanes. Cela pourra être très contraignant, par exemple pour les produits agroalimentaires.

L’autre gros sujet était d’empêcher que les deux blocs ne se livrent une concurrence déloyale, en subventionnant des secteurs d’activité, en abaissant les normes environnementales ou la fiscalité. Très réticent, Londres a fini par accepter de « coller » aux règles de l’UE, mais a obtenu que les litiges soient tranchés par un « panel d’arbitrage » et non plus par la Cour européenne de justice. À voir…

Et la pêche ?

Elle ne pèse pas lourd dans le total des échanges mais a failli tout faire capoter. Les deux blocs sont parvenus à un accord sur les quotas dans les très poissonneuses eaux britanniques.

Que va-t-il se passer le 1er janvier ?

Rien d’extraordinaire ! La fin de la liberté de circulation ne signifie pas la fin de la circulation. Source d’inquiétude majeure, la question des quatre millions de résidents européens du Royaume-Uni et du million de Britanniques résidant sur le continent a été réglée depuis plus d’un an. Ils conservent leur droit de résidence et de travail. Mais pas les nouveaux « immigrants », après le 1er janvier. Il faudra désormais un permis pour travailler à Londres et un visa au-delà de six mois. Et réciproquement pour les Britanniques à Paris.

Qui a gagné ? Qui a perdu ?

Tout le monde a gagné, au vu des réactions soulagées d’éviter la catastrophe du no deal qui aurait rétabli les droits de douane. Mais le Brexit fait perdre à beaucoup. Un exemple ? Les jeunes Européens qui ne pourront plus étudier dans une fac britannique grâce à Erasmus. Le Royaume-Uni, quatrième pays destinataire, sort du très populaire et efficace programme d’échange pour les étudiants.

La suite ?

Elle est pleine d’inconnues. Le diable se niche dans les détails des 1 500 pages de l’accord, président certains. Comment fonctionnera notamment le fameux mécanisme d’arbitrage censé régler les futurs litiges commerciaux ? Que va faire l’Écosse, dont la Première ministre, Nicola Sturgeon, a redit jeudi qu’était venu « le temps de l’indépendance » ?

Brexit : « Nous restons dans une situation difficile parce que le Brexit, c’était une erreur », estime un ancien député conservateur britannique

Quatre ans après le vote des Britanniques en faveur du Brexit et après des mois de négociations, l’Union européenne et le Royaume-Uni sont parvenus à un accord ce jeudi 24 décembre. Un soulagement pour l’ancien député conservateur Dominic Grieve, conscient que le chemin est encore long.Article rédigé par

franceinfoRadio FrancePublié
L'ancien conservateur Dominic Grieve tracte pour les élections législatives, le 26 novembre 2019, à Marlow (Royaume-Uni). (DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP)
L’ancien conservateur Dominic Grieve tracte pour les élections législatives, le 26 novembre 2019, à Marlow (Royaume-Uni). (DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP)

« Nous restons dans une situation difficile parce que le Brexit, c’était une erreur« , a réagi jeudi 24 décembre sur franceinfo Dominic Grieve, ancien député conservateur britannique, après l’accord commercial conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni au sujet du Brexit. « Nous allons découvrir l’année prochaine que, même avec cet accord, il y aura des obstacles pour le libre-échange« , assure Dominic Grieve. Selon lui, les Britanniques n’ont pas « repris le contrôle de leur destin« .

franceinfo : Comment réagissez-vous à la conclusion de l’accord de Brexit ?

Dominic Grieve : Je suis soulagé qu’il y ait un accord parce que si nous n’avions pas eu d’accord, la situation sans accord le 1er janvier aurait été très difficile. Quant aux avantages de cet accord, du point de vue de l’intérêt national britannique, c’est assez douteux. Que cela réussisse, cela dépend de ce que nous allons perdre en quittant l’Union européenne, et il faut que ce que nous allons conserver par cet accord soit balancé en faisant des accords extérieurs que nous voulons et faire grandir notre économie. Et de ce point de vue-là, rien n’a changé. Nous restons dans une situation difficile parce que le Brexit, c’était une erreur. Ce que nous allons découvrir l’année prochaine, c’est que, même avec cet accord, il y aura des obstacles pour le libre-échange des produits.

« Nous avons repris le contrôle de notre destin« , dit Boris Johnson ce soir. Cela veut dire finalement qu’il a réussi son pari ?

Mais nous n’avons pas repris le contrôle de notre destin. D’abord, nous avions le contrôle de notre destin quand nous étions au sein de l’Union européenne. Deuxièmement, l’accord qu’il a signé, il est tout à fait évident que ça continue dans un sens à partager notre souveraineté, parce que tout accord commercial le fait. Voilà mon incompréhension de sa position. Du point de vue philosophique, je suis patriote britannique. Je crois à la souveraineté de mon pays, mais je ne la voyais pas entamée de cette façon par notre participation à l’Union. Donc, c’est un point de vue très différent de celui du premier ministre.

C’est surtout la tristesse qui l’emporte pour vous de voir ce point final à ce Brexit ?

Oui, mais ce n’est pas un point final parce qu’il est tout à fait évident que la proximité de nos partenaires européens sera la plaque dominante de notre future prospérité. Nous allons passer cinq à dix ans à refaire des liens avec l’Union européenne. Nous ne serons pas nécessairement un membre. Mais je suis absolument certain que dans les deux-trois ans à venir, il sera évident qu’il va falloir raccrocher des liens que nous avons forgés pour la première fois aujourd’hui, en abandonnant un accord de participation à l’Union qui était bon pour nous.

Germain Moyon, AFP
© Fournis par La Tribune

C’est un grand chambardement. Après le soulagement apporté par la conclusion in extremis d’un accord commercial post-Brexit avec Bruxelles, le Royaume-Uni se trouve vendredi face aux défis que présente sa nouvelle vie, affranchi des règles de l’Union européenne, avec quelques jours pour s’y préparer. Le pire est évité avec la signature d’un compromis historique, au bout d’acrimonieuses négociations, qui permet d’éviter la brusque apparition de coûteuses barrières commerciales et la fermeture des eaux britanniques aux pêcheurs français dès le 31 décembre à 23h. C’est cependant un bouleversement majeur qui attend les Britanniques avec la sortie du marché unique et la fin de la libre circulation, après quatre ans et demi d’une saga à rebondissements provoquée par le référendum du Brexit et après près d’un demi-siècle d’intégration européenne.

Dans un message vidéo jeudi soir, le Premier ministre Boris Johnson a brandi devant le sapin du 10, Downing Street les centaines de pages de l’accord présenté comme un « petit cadeau pour ceux qui chercheraient quelque chose à lire dans la torpeur de l’après-déjeuner de Noël »« Voici un accord pour apporter certitude aux entreprises et aux voyageurs et à tous les investisseurs dans notre pays à partir du 1er janvier », s’est félicité le dirigeant, triomphant dans les urnes il y a un an sur la promesse de « réaliser le Brexit ».

Si le Royaume-Uni est bien sorti de l’Union européenne le 31 janvier dernier, il continue jusqu’à la fin de l’année d’appliquer ses règles lors d’une période de transition. L’accord constitue une victoire pour Boris Johnson, qui a vu au fil de cette année, censée préparer l’après-Brexit, sa popularité mise à mal par une gestion erratique de la pandémie de Covid-19. Cette crise, qui lui a valu quelques jours en soins intensifs au printemps, a frappé le Royaume-Uni (près de 70.000 morts) comme peu d’autres pays européens. Avec des milliers de poids-lourds coincés et des craintes de pénuries de produits frais, la pagaille provoquée par la fermeture ces derniers jours des frontières d’une cinquantaine de pays, notamment les ports français, belges et néerlandais, a donné pour certains un aperçu du chaos qui attendait les Britanniques en cas d’échec des négociations commerciales avec Bruxelles.

Craintes des pêcheurs

Avec ce traité commercial, l’UE offre à son ancien Etat membre un accès inédit sans droits de douane ni quotas à son immense marché de 450 millions de consommateurs. Mais cette ouverture sera assortie de strictes conditions : les entreprises d’outre-Manche devront respecter un certain nombre de règles évolutives en matière d’environnement, de droit du travail et de fiscalité pour éviter tout dumping. Des garanties existent aussi en matière d’aides d’Etat.

Concernant la pêche, sujet difficile jusqu’aux dernières heures, l’accord prévoit une période de transition jusqu’en juin 2026, à l’issue de laquelle les pêcheurs européens auront progressivement renoncé à 25% de leurs prises, qui s’élèvent chaque année à 650 millions d’euros. L’UE a promis d’aider ce secteur qui estime être le « grand perdant » du compromis, présenté malgré tout comme « équilibré » et permettant d' »enfin laisser le Brexit derrière nous » selon la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

« Soulagement »

L’accord n’empêche pas cependant l’introduction de contrôles douaniers et des procédures administratives chronophages pour les entreprises habituées à échanger sans freins. Finie également la libre circulation permettant aux Européens de venir travailler à Londres ou à des Britanniques de passer autant de temps qu’ils le souhaitent dans leur résidence secondaire dans l’UE. Londres sort du programme d’échanges pour étudiants Erasmus, remplacé par le programme Alan Turing, du nom du célèbre mathématicien britannique.

Pour le quotidien The Times, l’accord constitue « une source de soulagement plus que de célébration ». Bien qu’il s’agisse « d’un succès remarquable »« c’est loin d’être la fin de l’histoire pour M. Johnson. Maintenant qu’il a rempli sa promesse de réaliser le Brexit, son défi est d’en faire un succès », poursuit-il. « Avoir évité le scénario du pire est un piteux succès. M. Johnson ne mérite aucun crédit pour éviter une calamité qui menaçait de si près parce qu’il s’y dirigeait avec enthousiasme », avertit The Guardian.

Au Parlement britannique, le texte sera discuté mercredi par les députés mais son adoption fait peu de doutes vu la majorité dont dispose le gouvernement et le soutien apporté par l’opposition travailliste. Côté européen, les ambassadeurs de l’UE se réunissent dès vendredi pour étudier l’accord. Il devra être validé par les Etats membres, un processus qui devrait prendre plusieurs jours. Il sera validé a posteriori par le Parlement européen début 2021.

« Boris Johnson a été élu Premier ministre pour réaliser le Brexit (…) il a donc toutes les raisons d’être content », observe Anand Menon, politologue directeur de l’institut UK in a Changing Europe, interrogé par l’AFP. Ce dernier prédit cependant des critiques à venir « quand les entreprises verront ce qui les attend en terme de paperasse et même peut-être des Brexiters les plus durs dans son propre parti quand ils verront les concessions accordées ».

Des passagers montent à bord d'un Eurostar à la gare Saint-Pancras de Londres, le 23 décembre 2020© Tolga Akmen © 2019 AFP Des passagers montent à bord d’un Eurostar à la gare Saint-Pancras de Londres, le 23 décembre 2020

La signature de l’accord post-Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union européenne a avant tout des conséquences sur les relations commerciales entre les deux entités, notamment en matière d’importation et d’exportation de produits et de pêche. Mais pour le citoyen « lambda », cette nouvelle relation implique également quelques changements à prendre en compte.

 

> Les voyageurs

Pour les personnes françaises qui se rendent au Royaume-Uni pour le tourisme et les affaires, ce nouvel accord introduit un seul changement important: l’obligation de posséder un passeport expiré depuis 6 mois maximum, pour passer la frontière à partir du 1er octobre 2021. Un visa n’est pas demandé.

Rappelons que jusqu’à présent, la CNI (carte nationale d’identité) était suffisante pour passer la frontière.

Une exception néanmoins, les personnes étrangères qui résident au Royaume-Uni depuis une date antérieure au 1er janvier 2021 pourront encore utiliser leur carte d’identité jusqu’en 2025.

« C’est une petite formalité », commente sur BFMTV Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po et spécialiste des questions européennes.

« Nous pourrons continuer à aller à Londres pour faire du shopping, nous pourrons même aller en Ecosse, il n’y aura pas de barrières ».

Concernant les achats réalisés sur le sol anglais, le spécialiste confirme qu' »on pourra continuer à acheter et ne pas être soumis à des taxes quand on reviendra avec des produits de Londres ».

> Les étudiants

Surprise pour les étudiants: le Royaume-Uni a finalement décidé de ne plus participe au programme d’échanges universitaires Erasmus.

En 2017, le pays avait accueilli 31.727 étudiants européens et figurait sur la troisième marche du podium derrière l’Allemagne (34.497) et l’Espagne (48.595).

Le Royaume-Uni est également la deuxième destination pour les étudiants français qui sont environ 4500 à s’y rendre chaque année dans le cadre de leur cursus universitaire. Un parcours universitaire de plus de six mois exigera au 1er janvier l’obtention d’un visa étudiant.

> Les travailleurs

Pour les candidats souhaitant travailler au Royaume-Uni, un visa de travail, soumis à un système de points, sera désormais exigé.

> Les fans de produits anglais

Acheter des produits anglais en France pourrait se révéler à terme un peu plus coûteux. En effet, même avec l’accord qui permet d’éviter tout droit de douane, les formalités administratives entre les deux pays vont être alourdies et génèreront des coûts supplémentaires pour les entreprises britanniques qui exportent.

Ainsi, selon certains économistes, le prix des produits exportés pourrait augmenter de plus de 5% mais ces entreprises pourraient prendre à leur charge cette augmentation quitte à rogner sur leurs marges.

> Les expatriés

Plus de trois millions d’Européens vivent au Royaume-Uni, dont 300.000 Français, selon un rapport du Sénat. En vertu de l’accord de retrait, les expatriés français déjà installés de l’autre côté de la Manche (ou qui s’installeront avant la fin de la période de transition) conserveront leurs droits de résider et de travailler dans le pays. Et ce à vie. 

Il faudra néanmoins s’enregistrer en ligne avant le 30 juin 2021 pour demander le settled status (statut de résident permanent) si on a déjà vécu cinq ans sur le territoire, ou le pre-settled status (résident temporaire) en attendant d’avoir cumulé les cinq années de séjour nécessaires.  

6medias
Brexit : les grandes lignes de l'accord entre l'UE et le Royaume-Uni© Pete Linforth/Pixabay Brexit : les grandes lignes de l’accord entre l’UE et le Royaume-Uni

Jeudi 24 décembre, l’Union européenne et le Royaume-Uni sont enfin parvenus à un accord, après de longs mois de négociations.

La Commission européenne a dévoilé jeudi 24 décembre les grandes lignes du partenariat économique et commercial conclu avec le Royaume-Uni, qui fixe un cadre aux futures relations entre les deux partenaires à partir du 1er janvier 2021. Concernant les biens tout d’abord, l’accord garantit des échanges sans droits de douane ni quotas pour « tous les biens qui respectent les règles d’origine appropriées ». Du jamais vu dans un accord commercial. Les entreprises du Royaume-Uni gardent ainsi un accès à l’immense marché unique européen de 450 millions de consommateurs. Et les firmes européennes aux 66 millions de Britanniques. Cet accord inédit permet d’éviter une rupture dans les chaînes de production, qui aurait été très problématique pour certains secteurs comme l’automobile.

 

Le Royaume-Uni et l’UE s’engagent à respecter des conditions de concurrence équitables « en maintenant des niveaux de protection élevés dans des domaines tels que la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique et la tarification du carbone, les droits sociaux et du travail, la transparence fiscale et les aides d’État ». Si l’une des deux parties manque à ses obligations en la matière, il sera possible de prendre « des mesures correctives », comme des droits de douane.

>> A lire aussi – Brexit : les entreprises françaises sont-elles prêtes ?

Si le Royaume-Uni ou l’UE ne respecte par le traité, un mécanisme contraignant de règlement des différends, comme il en existe dans la plupart des accords commerciaux, sera chargé de trancher les litiges. Face à la ferme opposition de Londres, la Cour de justice de l’Union européenne n’interviendra pas dans ce processus. Un « Conseil conjoint » veillera à ce que l’accord soit correctement appliqué et interprété.

Une période transitoire de 5 ans pour la pêche

En ce qui concerne la pêche, qui cristallisait les débats depuis plusieurs semaines, l’accord prévoit de laisser aux pêcheurs européens un accès aux eaux britanniques pendant une période transitoire de 5 ans et demi, jusqu’en juin 2026. Pendant cette transition, l’UE devra progressivement renoncer à 25% de ses prises, qui s’élèvent en valeur à environ 650 millions d’euros par an.

En matière de transports, le traité garantit une connectivité aérienne, routière, ferroviaire et maritime continue, mais de manière moins avantageuse que si le Royaume-Uni restait membre du marché unique. Des dispositions visent à assurer que la concurrence entre les opérateurs s’exerce dans des conditions équitables « afin que les droits des passagers, des travailleurs et la sécurité des transports ne soient pas compromis ».

>> A lire aussi – Brexit : un accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne

Le Royaume-Uni continuera par ailleurs à participer à certains programmes de l’UE pour la période 2021-2027, comme le programme de recherche et d’innovation Horizon Europe, à condition qu’il contribue au budget européen. L’accord « établit un nouveau cadre » en matière de coopération policière et judiciaire, « en particulier pour lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme ». Cette coopération pourra être suspendue si le Royaume-Uni renonce à son adhésion à la Convention européenne des droits de l’Homme ou « à la faire appliquer au niveau national ». Enfin, la coopération en matière de politique étrangère, de sécurité extérieure et de défense n’est pas couverte par l’accord, le Royaume-Uni n’ayant pas voulu négocier cette question.

Brexit : « Le deal limite les dégâts », estime Bernard Spitz, président du pôle international et Europe du Medef

Les Britanniques avaient voté en faveur du Brexit il y a 4 ans. Depuis le pays et l’Europe négociaient la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’accord trouvé jeudi 24 décembre est donc une bonne nouvelle même si, pour Bernard Spitz, du Medef, « ça va créer pour tout le monde des difficultés ».

Radio France
Bernard Spitz, sur franceinfo le 27 mai 2019. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

« Le deal limite les dégâts« , mais il reste encore des contraintes, a affirmé vendredi 25 décembre sur franceinfo Bernard Spitz, président du pôle international et Europe du Medef, après l’accord commercial post-Brexit conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Selon lui, il va y avoir « plus de paperasse, plus de délais, plus de coûts » dans les échanges entre l’UE et le Royaume-Uni. Bernard Spitz souligne que si Boris Johnson « limite les dégâts », l’Europe « a réussi à rester jusqu’au bout » et Michel Barnier « a réussi à fédérer tout le monde ».

franceinfo : Que change cet accord commercial pour les entreprises françaises qui font du commerce avec le Royaume-Uni ?

Bernard Spitz : Le deal limite les dégâts, mais reste le Brexit. Et le Brexit, cela veut dire qu’à partir d’aujourd’hui, le Royaume-Uni est un pays tiers. Ce n’est plus un pays dans l’Union européenne. Et les conséquences, c’est pour les entreprises un certain nombre de choses. D’abord, tout échange commercial devient de l’export et de l’import. Alors, c’est vrai qu’on a échappé aux droits de douane. Mais il y a quand même des formalités de douane. Il y a des formalités administratives. Ce sont des nouvelles données qui encadrent les transferts de données personnelles. Ce sont des contraintes lorsque vous mettez des produits sur le marché. Il va falloir des certifications. C’est encore plus net en matière sanitaire, par exemple. Mais même pour les pièces détachées, dans l’automobile, dans l’aviation, il va falloir des certifications pour que ces pièces puissent être assemblées. Et puis, il y a les individus surtout, parce qu’évidemment, ce n’est plus la même chose. Pour aller au Royaume-Uni, il va falloir avoir un visa. Ça change la règle du jeu jusqu’aux étudiants qui seront privés d’Erasmus par exemple.

Que ce soit pour les entreprises ou pour les individus, c’est beaucoup plus de paperasse pour tout le monde ?

C’est plus de paperasse, donc plus de délais, plus de coûts. Ça veut dire que ça va créer pour tout le monde des difficultés, spécialement pour les entreprises qui n’ont jamais travaillé en dehors de l’Union européenne. On sait qu’il y a à peu près 120 000 entreprises françaises qui exportent ou qui importent avec le Royaume-Uni. Mais le quart de celles-ci, c’est-à-dire environ 30 000, n’ont jamais échangé ailleurs que dans l’Union. Donc, pour elles, ça devient comme un marché extérieur. Il va falloir s’adapter à tout ça et c’est évidemment des complications et des coûts.

Vous étiez quand même préparé à pire ? Du côté des entreprises françaises, vous aviez anticipé l’absence d’accord ?

Je pense qu’un certain nombre d’entreprises se devaient d’imaginer tous les scénarios, y compris les scénarios du pire. Mais la volonté politique a été de part et d’autre d’arriver à un résultat. Parce que de toute façon, le Brexit, c’est mauvais pour tout le monde. En tout cas, sur le plan économique. Donc pour les entreprises, il fallait que cela le soit le moins possible et que tout le monde sauve la face. Boris Johnson s’est battu jusqu’au dernier moment. Il peut être satisfait parce que, d’une certaine façon, il a réussi à manœuvrer pour arriver à quelque chose qui limite les dégâts économiques pour son pays, y compris pour les entreprises britanniques qui ne voyaient pas cela d’un bon œil du tout. Et puis, il donne satisfaction à ces ultras en disant, on a repris le contrôle. Donc il peut dire qu’il y a une réalité au Brexit. Il a tenu les engagements tels qu’il les avait annoncés.

L’essentiel est sauf, puisqu’on n’a pas rompu les échanges commerciaux entre les entreprises françaises et leurs homologues britanniques ?

Ni avec les entreprises françaises, ni avec l’ensemble des entreprises de l’Union européenne. Mais ce qui est l’élément de satisfaction majeur, c’est que l’Europe a réussi à rester jusqu’au bout, jusqu’à Noël, à rester unis. Et ce n’était pas gagné. Hommage doit être rendu à Michel Barnier, qui a réussi à fédérer tout le monde et à faire en sorte que cet accord soit trouvé dans les meilleures conditions possibles.

 
Tiffany Fillon

L’accord post-Brexit conclu jeudi entre les Britanniques et les Européens entrera provisoirement en vigueur à partir du 1er janvier. Qu’est ce que cela va changer pour les Français et les Britanniques? Commerce…

C’est un traité historique. Après de longues négociations, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont conclu jeudi un accord sur leur future relation commerciale, qui entrera provisoirement en application le 1er janvier. Soulagé de voir la perspective d’un « no deal » disparaître, le négociateur européen Michel Barnier a toutefois souligné que cet accord post-Brexit provoquerait « de vrais changements » « pour beaucoup de citoyens et d’entreprises ». Le JDD fait le point sur les conséquences de cet accord pour les Européens et les Britanniques. 

Passeport et visa requis pour entrer au Royaume-Uni 

Le Royaume-Uni n’étant pas dans l’espace Schengen, les voyageurs français et européens devaient jusqu’à maintenant présenter leur carte d’identité avant de franchir la frontière. Or, à partir du 1er octobre 2021, la carte d’identité ne suffira plus. Les Européens devront obligatoirement présenter leur passeport lors des contrôles des douanes.

Avant le 1er octobre, une pièce d’identité suffira pour venir au Royaume-Uni. Mais si le séjour dépasse les trois mois, alors il faudra faire une demande de visa, y compris si l’on se rend au Royaume-Uni pour travailler.

Lire aussi – Non, 10.000 camions ne traversent pas la Manche chaque jour pour venir en Europe

Au Royaume-Uni, la carte européenne d’assurance maladie sera également caduque à partir du 1er janvier. Les voyageurs devront donc souscrire un contrat d’assurance médicale pour leur séjour. 

Pour les Français résidant en Angleterre, l’accord fait preuve d’un peu plus de souplesse : jusqu’en 2025, ils seront autorisés à entrer sur le territoire avec leur carte d’identité. Environ 3,7 millions de citoyens européens vivent au Royaume-Uni, selon des données datant de 2018 et fournies par l’Office national des statistiques du Royaume-Uni. 

Lire aussi – Brexit : un accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, et maintenant?

Malgré ces mesures remettant en cause la libre circulation des personnes, pour Aurélien Antoine, professeur de droit public à l’Université Jean-Monnet de Saint-Étienne, directeur de l’Observatoire du Brexit et auteur de l’ouvrage Brexit, une histoire anglaise (Dalloz, 2020). « peu de choses vont changer à partir du 1er janvier ». « Ce n’est qu’au fur et à mesure que les Britanniques vont remettre en cause les textes de l’UE », affirme-t-il, en précisant que l’accord prévoit, dans sa globalité, « plus de contraintes administratives ». 

Erasmus au Royaume-Uni, c’est fini 

L’accord signe la fin du programme Erasmus, qui permet aux jeunes européens d’aller étudier dans un autre pays membre de l’UE. Un nouveau programme le remplacera. Il portera le nom du célèbre mathématicien anglais Alan Turing, qui avait réussi à décrypter des codes nazis durant la seconde guerre mondiale. Il permettra aux étudiants britanniques de poursuivre leur cursus dans un pays de l’UE et dans d’autres pays du monde.

Les étudiants européens voulant aller étudier au Royaume-Uni, devront, eux, fournir un visa universitaire en cas de séjour de plus de six mois. S’inscrire dans une université britannique leur coûtera probablement plus cher et les formalités administratives seront certainement plus lourdes. En revanche, pour les 150.000 actuels étudiants Erasmus au Royaume-Uni, rien ne change au 1er janvier. 

Lire aussi – Quand le coronavirus s’attaque à Erasmus

Le Premier ministre Boris Johnson a jugé que le programme Erasmus coûtait « extrêmement cher » au Royaume-Uni. Les étudiants européens sont en effet plus nombreux à venir étudier au Royaume-Uni, que leurs camarades britanniques en Europe. De son côté, le négociateur européen Michel Barnier a demandé plus de « clarté » sur le nouveau programme annoncé jeudi par Boris Johnson. 

De nombreuses règles vont encore s’ajouter dans les jours et semaines qui viendront. Les députés britanniques débattront également sur le texte le 30 décembre et l’accord doit encore être validé par le Parlement européen. D’ici là, ce traité provisoire pourrait donc être très légèrement modifié. Mais quoi qu’il en soit, il restera identique dans les grandes lignes. « Tout au long des négociations, les Etats membres ont eu leur mot à dire. Maintenant qu’il y a un accord, je vois mal le Parlement européen ne pas ratifier cet accord », prévoit Aurélien Antoine. 

Pas de droit de douane sur les produits échangés 

L’enjeu commercial était de taille dans ce traité : les échanges commerciaux entre l’UE et le Royaume-Uni représentent 700 milliards d’euros. Les deux parties ont donc prévu qu’aucun quota et qu’aucun droit de douane ne s’appliqueront sur les biens échangés, comme c’est le cas actuellement au sein de l’UE. 

C’est une mesure importante car sans cet accord, les règles de l’Organisation mondiale du commerce se seraient appliquées et les droits de douane auraient été particulièrement élevés, notamment pour la viande, les produits laitiers et le poisson.

Les marchandises échangées d’un côté comme de l’autre de la Manche seront toutefois soumises à un contrôle douanier. L’exportateur et l’acheteur devront fournir des documents attestant cet échange et certifiant que les normes de sécurité alimentaires et phytosanitaires des produits sont respectées. 

Ce système préférentiel pourra cependant être remis en question si l’une des parties ne respecte pas ses engagements, par exemple en termes d’environnement ou encore de droit du travail et fiscal. Les droits de douane pourront alors être rétablis. 

Ces règles vont-elles avoir un impact sur les prix des marchandises échangées? « C’est possible », répond Aurélien Antoine. « Il n’y a de raison que les tarifs augmentent s’il n’y a pas de droits de douane. Mais sachant qu’il y aura des contrôles et des charges administratives supplémentaires alors on peut imaginer une répercussion sur les prix des produits », estime l’enseignant-chercheur. Il cite également « le risque de voir les tarifs postaux augmenter », qui « se distinguent déjà de ceux de l’Union européenne ».

Sur l’épineuse question de la pêche qui a retardé la signature de l’accord jeudi, les pêcheurs de l’Union européenne devront reverser au Royaume-Uni une somme représentant 25% de leurs prises dans les eaux britanniques, ce qui équivaut à environ 160 millions d’euros. Cette mesure entrera en vigueur à partir de juin 2026. Les quotas de pêche seront progressivement réduits pendant cette période de transition. 

Patrick ANGEVIN.
Boris Johnson, jeudi 24 décembre.© Andrew Parsons, EPA/MAXPPP Boris Johnson, jeudi 24 décembre.

Le Premier ministre britannique a vanté jeudi soir comme « excellent » l’accord conclu avec l’Union européenne. Un bon moyen de faire oublier sa gestion calamiteuse de la pandémie du Covid. Quitte à tordre un peu la réalité…

En habile communiquant qu’il est, Boris Johnson s’est fendu jeudi soir, à l’heure du repas de Noël, d’un message vidéo aux Britanniques : « Ce soir, pour le réveillon, j’ai un petit cadeau […] Voici un accord pour apporter de la certitude aux entreprises et aux voyageurs et à tous les investisseurs dans notre pays à partir du 1er janvier, un accord avec nos amis et partenaires de l’Union européenne. »

Celui qui restera dans l’Histoire comme le Premier ministre qui a « livré le Brexit », voté en 2016 par 51,9 % des Britanniques, a fini le travail en décrochant un accord commercial. Au finish. Il sauve ainsi ce qui pouvait l’être d’une année 2020 calamiteuse. Car Boris Johnson prête le flanc depuis mars aux pires critiques pour sa gestion de la pandémie de Covid-19, qui a fait environ 70 000 morts au Royaume-Uni. En retard sur le confinement, multipliant les volte-face, BoJo est même tombé gravement malade en avril après s’être vanté de serrer les mains dans les hôpitaux.

« Joyeux Brexmas »

Quel meilleur moyen, pour faire oublier tout cela, que de vendre le Brexit comme « un nouveau départ » pour un pays « à la souveraineté retrouvée ». Les tabloïds, qu’il a dans la poche, le célèbre en inventant le « joyeux Brexmas », mot-valise qui mêle « Brexit » et « Christmas ».

Peu importe si Boris Johnson a fait des concessions majeures, comme accepter d’aligner les règles de la concurrence ou les normes britanniques sur celles de l’UE, sacrée entorse à la souveraineté. Peu importe que les 80 % de prises dans les eaux britanniques que les pêcheurs européens allaient devoir restituer, promis juré, sont tombées dans l’accord de jeudi à… 25 % !

L’avenir dira si la rupture avec l’UE a « libéré les forces créatrices du pays », comme l’affirme Boris Johnson ou atrophié sa stature comme le craignent les europhiles. Les économistes annoncent eux un recul de la richesse nationale pour les cinq prochaines années.

Brexit : les Français installés au Royaume-Uni regrettent « la fin d’une ère »

Un accord de Brexit a été trouvé jeudi entre le Royaume-Uni et les 27.
Un accord de Brexit a été trouvé jeudi entre le Royaume-Uni et les 27. © Daniel LEAL-OLIVAS / AFP
Londres et Bruxelles ont finalisé jeudi l’accord commercial post-Brexit qu’ils négociaient depuis dix mois. Les Français résidant au Royaume-Uni se préparaient déjà depuis plus quatre ans à cette sortie de l’Union, effective le 31 décembre. 

Après des mois de négociations, un accord a enfin été trouvé jeudi entre le Royaume-Uni et les 27. Londres garde un accès gratuit au marché unique, sans droit de douane, ni quotas, mais la libre-circulation des biens et des personnes est réduite : il faudra des visas désormais pour voyager ou travailler au Royaume-Uni. Après 19 ans de vie outre-Manche, Florence a décidé de rester et de demander sa nationalité. « Ca a été très dur, j’ai pleuré toute la journée du Brexit… mais je m’y suis préparée ! J’ai fait ma demande de résidence, ma demande de nationalité. J’ai décidé de m’intégrer », raconte-elle au micro d’Europe 1.

« Un sentiment de frustration »

Le vote du Brexit en 2016 a déjà changé beaucoup de choses pour les Européens installés de l’autre côté de la Manche. « Beaucoup de Français ont vu leur emploi relocalisé donc beaucoup de Français sont déjà partis », affirme Florence. Sa fille, Alexia, renchérit : « Il y avait aussi un sentiment de frustration pour les familles françaises qui sentaient qu’elles n’avaient plus leur place en Angleterre. » Elle imagine déjà un avenir profondément impacté par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. « Moi j’ai 23 ans et je pense que je suis la dernière génération des Français qui partent pour Londres pour trouver un stage et trouver un premier emploi. C’est un peu la fin d’une ère. »

Pour Florence, impossible d’imaginer la suite ou de prévoir les conséquences de l’accord. « Là on est dans l’obscurité. Je travaille dans l’éducation supérieure. Si les étudiants européens décident de ne plus revenir aux Royaume-Uni parce que c’est trop compliqué, ça remet en question mon travail. » Responsable d’un campus universitaire, elle attend de voir la prochaine rentrée scolaire et l’arrivée, ou non, d’étudiants étrangers. 

Redaction JDD
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a abandonné le programme Erasmus dans le cadre de son accord post-Brexit conclu jeudi avec l'UE. Mais connaissez-vous bien ce programme? Chaque jour, l'antisèche du JDD répond à une question que vous vous posez sur l'actualité. © Reuters

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a abandonné le programme Erasmus dans le cadre de son accord post-Brexit conclu jeudi avec l’UE. Mais connaissez-vous bien ce programme? Chaque jour, l’antisèche du JDD…

C’est l’un des programmes phares de l’Union européenne. Le dispositif Erasmus permet aux jeunes Européens d’aller vivre plusieurs mois dans un pays de l’UE. Il porte le nom d’Erasme, théologien néerlandais de la Renaissance et symbole de la culture européenne. Erasmus s’adresse aux étudiants, aux stagiaires et aux jeunes qui souhaitent venir travailler dans un autre pays européen ou dans un pays partenaire du programme.

9 millions d’Européens ont bénéficié du programme Erasmus

Destiné seulement aux étudiants lors de sa création en 1987, Erasmus est désormais accessible aux entreprises et aux organismes souhaitant développer un projet à l’étranger. Depuis sa création, 9 millions d’Européens ont bénéficié du programme, dont le budget s’élève à 14,7 milliards d’euros. Le jugeant « extrêmement cher » pour le Royaume-Uni, le Premier ministre Boris Johnson a pris la « décision difficile » d’exclure le pays du programme, dans le cadre de l’accord commercial conclu entre Bruxelles et Londres jeudi. Aujourd’hui, environ 150 000 jeunes Européens étudient dans des établissements britanniques.

G(b)affe aux GAFA!!..

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https://www.lepoint.fr/images/2017/11/19/11364720lpw-11364717-article-jpg_4771576.jpgL’UE dévoile son plan pour dompter les géants du numérique

 AFP © Fournis par Le Point

Une liste d’obligations et d’interdictions assortie de sanctions dissuasives en cas de non respect, l’UE présente mardi son plan pour imposer enfin sa loi aux géants du numérique accusés d’abuser de leur pouvoir sans assumer leurs responsabilités.

C’est un changement complet de philosophie. Après des années à courir en vain après les infractions de GoogleFacebook ou Amazon dans les procédures interminables du droit européen de la concurrence, Bruxelles veut changer de braquet pour aller vite et agir en amont, avant que des dérives soient constatées.

« L’objectif n’est pas de faire disparaître les grandes plateformes, mais de leur imposer des règles pour éviter qu’elles fassent peser des risques sur notre démocratie », a expliqué le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, qui porte le dossier avec la vice-présidente en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager.

Télétravail et visioconférences, achats sur internet, cours en ligne… La pandémie de coronavirus a accru la place du numérique dans la vie quotidienne des Européens.

Mais ces nouveaux services, devenus indispensables, engendrent des dérives : discours de haine diffusés à grande échelle, manipulation de l’information, mort du petit commerce, tendance des géants à former des conglomérats limitant la concurrence…

L’exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s’engouffrent les entreprises.

Premier volet: le Règlement sur les Services Numériques (« Digital Services Act », DSA) doit responsabiliser l’ensemble des intermédiaires, mais davantage encore les plus grandes plateformes qui devront disposer des moyens pour modérer les contenus qu’elles accueillent et coopérer avec les autorités.

Il représente une mise à jour de la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes d’aujourd’hui n’étaient encore que de jeunes pousses, voire n’existaient pas encore.

Deuxième volet: le Règlement sur les Marchés Numériques (« Digital Markets Act », DMA) imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit « systémiques », une dizaine d’entreprises dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence. Parmi eux, les cinq « Gafam » (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

« Changer significativement »

Ils se verront imposer des règles portant sur la transparence de leurs algorithmes et l’utilisation des données privées, au coeur de leur modèle économique. Ils devront notifier à la Commission tout projet d’acquisition de firme en Europe.

Ces champions de la valorisation boursière sont accusés d’imposer leur loi aux concurrents quand ils ne les ont pas tout bonnement anéantis.

Ils devront « changer significativement leur façon de procéder », a affirmé M. Breton, estimant que l’espace numérique devait profiter à toutes les entreprises, même les plus petites.

A ces règles sont accolées des sanctions. Selon des sources européennes, elles iront jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires pour de graves infractions à la concurrence, et dans les cas extrêmes, pourront déboucher sur un démantèlement : l’obligation de céder des activités en Europe.

En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6 % du chiffre d’affaires. Une interdiction de poursuivre son activité en Europe pourra être imposée « en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens ».

Ce projet sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les Etats membres. Il intervient alors qu’aux Etats-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d’avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Bruxelles attend un fonctionnement du marché numérique plus harmonieux et plus équitable qui favorisera l’émergence d’acteurs européens, alors que l’UE accuse un retard inquiétant dans la nouvelle économie.

Face à cette offensive, les mastodontes américains préparent un lobbying intense pour atténuer le projet, comme l’a révélé la fuite en novembre d’un document interne de Google évoquant une volonté d’affaiblir Thierry Breton.

Le projet de la Commission risque d’aboutir à « des règles brutales et rigides ciblant la taille au lieu de sanctionner les conduites problématiques », estime Kayvan Hazemi-Jebelli, en charge des questions de concurrence pour La Computer and Communications Industry Association (CCIA) qui représente des entreprises du secteur. Il y voit un danger pour l’innovation et la croissance en Europe.


RFIBruxelles veut réguler les géants du numérique via une nouvelle directive qui sera présentée ce mardi 15 décembre.© AFP/Archivos Bruxelles veut réguler les géants du numérique via une nouvelle directive qui sera présentée ce mardi 15 décembre.

L’Europe n’a toujours pas réussi à créer un grand marché unifié du numérique, mais cela pourrait changer avec ce nouveau projet de législation dévoilé ce mardi par la Commission européenne. Un texte qui a pour ambition de limiter la puissance des géants américains du secteur comme Google ou Facebook.

Haine en ligne, arnaques, contenus illégaux… L’Europe prévoit de frapper les géants du numérique au porte-monnaie. 

Désormais, en cas d’infraction grave ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens, les intermédiaires en ligne pourraient écoper d’une amende allant jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires. Ils pourraient aussi se voir frappés d’interdiction d’opérer sur le marché européen. 

Les géants du numérique sont souvent épinglés pour des pratiques jugées anticoncurrentielles. En cas d’infraction, les sanctions pourraient atteindre 10% du chiffre d’affaires. Et même déboucher, dans les cas extrêmes, sur une obligation de se séparer d’activités en Europe pour les acteurs mis en cause.

Voilà les premiers éléments du projet très attendu, en deux volets, que doit présenter la Commission. Le premier volet, Digital Services Act, impose à tous les acteurs en ligne des obligations, par exemple celle de coopérer avec les régulateurs. Le second, Digital Market Act, vise à créer un marché unifié du numérique en Europe. Une disposition censée faire émerger plus de concurrence et plus d’innovation au bénéfice des consommateurs européens. 

L’UE veut se donner les moyens de sanctionner les GAFA, rapporte le Financial Times

 
L’Union européenne veut se doter de pouvoirs supplémentaires pour contrôler et sanctionner les géants de la technologie, rapporte dimanche le Financial Times. /Photo prise le 21 août 2020/REUTERS/Yves Herman

(Reuters) – L’Union européenne veut se doter de pouvoirs supplémentaires pour contrôler et sanctionner les géants de la technologie, rapporte dimanche le Financial Times.

L’UE envisage notamment de contraindre les GAFA à céder une partie de leurs activités en Europe si leur position dominante menace les intérêts des consommateurs ou des entreprises rivales de plus petite taille.

Dans un entretien accordé au FT, le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, précise que les mesures proposées, qui ne s’appliqueraient que dans des circonstances exceptionnelles, prévoient aussi d’interdire aux GAFA l’accès au marché commun.

L’UE continue d’imposer aux GAFA des règles plus strictes

 AFP  
Les géants du numérique devront notifier leurs acquisitions au préalable à la Commission, selon le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton
Les géants du numérique devront notifier leurs acquisitions au préalable à la Commission, selon le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton (Crédits : REUTERS FILE PHOTO)
Bruxelles poursuit son objectif de régulation des « plateformes systémiques » en demandant aux géants du numérique de notifier au préalable leurs acquisitions. La Commission européenne a décidé de prendre un ensemble de mesures fortes qui seront présentées mardi 15 décembre.

Les géants du numérique, que Bruxelles veut réguler via une nouvelle directive qui sera présentée mardi, seront obligés de notifier au préalable leurs acquisitions, a annoncé lundi le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton.

« On va imposer aux grandes plateformes, lorsqu’elles vont faire une acquisition, de nous la notifier préalablement », dans le cadre de la nouvelle réglementation de « l’espace numérique », a expliqué le commissaire sur France Inter.

Les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) sont dans le collimateur des autorités américaines et européennes pour leur politique d’acquisitions tous azimuts, vue comme un moyen d’étouffer la concurrence. Illustration de cette logique: le rachat par Facebook d’Instagram et Whatsapp ou par Google de YouTube et de l’application de navigation Waze.

Lire aussi : Données, transparence… l’UE va imposer aux GAFA des règles plus strictes et durcir son arsenal répressif

Cette règle obligeant la dizaine de « plateformes systémiques » dans le monde à notifier au préalable à la Commission toute acquisition figurera dans une directive sur les marchés numériques (Digital Market Act » ou DMA), et sera une « première mondiale », selon Thierry Breton.

 

Elle vise « ces acteurs qui sont très grands, qui ont un nombre gigantesque de clients » et donc « un chiffre d’affaires, une valorisation (boursière, ndlr) importante qui vous permet d’avoir une capacité prédatrice sur l’autre », a expliqué l’ancien PDG d’Atos.

Réguler les « plateformes systémiques »

Les cinq GAFAM, qui occupent les premières places mondiales en termes de capitalisation boursière, valent près de 8.000 milliards de dollars en Bourse, contre un peu plus de 2.000 milliards il y a cinq ans.

Lire aussi : Les Gafa, grands gagnants de la crise sanitaire

De même que les « banques systémiques », réputées « too big to fail » (« trop grosses pour faire faillite ») ont été régulées après la crise de 2008, les « plateformes systémiques » doivent l’être, a comparé le commissaire au Marché intérieur. « Car quand on est très grands, on a de très grandes responsabilités », a-t-il dit.

Pour autant, « mon rôle n’est pas de séparer, de démanteler, mon rôle c’est de donner des règles, et si ces règles ne sont pas appliquées, il y aura des sanctions, et si ces sanctions, de façon ultime, de façon répétée, ne sont pas suivies, on pourra aller jusqu’au démantèlement », a-t-il ajouté.

Gafa : l’UE veut des amendes allant jusqu’à 10% des ventes en cas d’infraction à la concurrence

Dans son projet de nouvelle législation du numérique, la Commission européenne prévoit une série de sanctions pour réguler les GAFA.
Dans son projet de nouvelle législation du numérique, la Commission européenne prévoit une série de sanctions pour réguler les GAFA. Goodpics – stock.adobe.com
 

Au terme d’un travail de plusieurs mois, la Commission européenne va présenter des textes très attendus qui doivent limiter la puissance des géants américains du secteur comme Google ou Facebook. Dans son projet de nouvelle législation du numérique, la Commission européenne prévoit des amendes pouvant atteindre jusqu’à 10% du chiffre d’affaires pour les géants du secteur se rendant coupables de graves infractions à la concurrence, selon des sources européennes.

En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6% du chiffre d’affaires et même «l’interdiction d’opérer» sur le marché européen «en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens», ont indiqué lundi à l’AFP des sources concordantes ayant connaissance du projet qui sera dévoilé mardi.

Ce projet, qui sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les États membres, intervient alors qu’aux États-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d’avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Discours de haine diffusés à grande échelle sur internet, manipulation de l’information, mort du petit commerce, tendance des géants à former des conglomérats limitant la concurrence… La Commission européenne entend sévir pour éviter des dérives qui vont jusqu’à mettre en danger la démocratie et l’économie.

L’exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s’engouffrent les entreprises. Premier volet : le Règlement sur les Services Numériques («Digital Services Act», DSA) doit responsabiliser l’ensemble des intermédiaires en ligne et leur imposer des obligations sur les contenus qu’ils accueillent. Deuxième volet : le Règlement sur les Marchés Numériques («Digital Markets Act», DMA) imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit «systémiques», dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence.

La régulation des géants du numérique par l’Union européenne

L’Europe va créer une nouvelle police pour surveiller les géants du numérique, ils devront se plier à nos règles pour conserver l’accès au marché européen. Nicolas Barré fait le point sur une question d’actualité économique.

L’Europe va créer une nouvelle police  pour surveiller les géants du numérique. C’est une vraie révolution !

Thierry Breton, le commissaire au Marché intérieur, dévoilera tout à l’heure les règles qui, pour la première fois, vont s’imposer aux géants du numérique. Car un constat s’impose : quand l’Europe, ou d’ailleurs les Etats-Unis, s’attaquent à Google ou Facebook sur le terrain de l’abus de position dominante, il y en a pour des années, des procès sans fin, que l’on ne gagne pas toujours, et au fond ça va très bien à ces géants car pendant ce temps, ils tissent leur toile. D’où ce changement radical impulsé par le commissaire français qui a su convaincre la Commission et les Etats-membres : mieux vaut prévenir que guérir. Les Gafa devront se plier à nos règles pour conserver l’accès au marché européen.

L’Europe devient le premier continent à réguler les géants du numérique.

L’espace géographique, physique, est régulé depuis longtemps, avec le cadastre, les règles de propriété etc. L’espace maritime et l’espace aérien le sont également. Restait l’espace numérique car on voit bien que le cadre actuel ne permet pas de réguler les contenus ou de faire cesser les abus de position dominante. D’où des obligations nouvelles qui vont être imposées aux grandes plateformes. De la même manière que les banques ont des obligations de lutte contre l’argent sale et ne peuvent pas accepter de dépôts sans en vérifier l’origine, les Gafa devront respecter une série de bonnes pratiques sous peine de sanctions immédiates et très lourdes.

Jusqu’à l’interdiction du marché européen.

Ça pourra aller très loin en effet. L’Europe crée en quelque sorte une police du numérique, elle se donne les moyens d’intervenir en temps réel, c’est ça qui est important, si une plateforme ne respecte pas les règles. Il pourra y avoir des audits sur les algorithmes utilisés par les Gafa. Des contenus pourront être retirés très rapidement. Et pour éviter les abus, les plateformes ne pourront plus utiliser les données des entreprises qu’elles hébergent pour les concurrencer. Ni empêcher à des entreprises d’accéder aux données de leurs propres clients. Tout ça vise surtout, sans le dire, Apple, Amazon et Google. Ces règles vont maintenant devoir être adoptées par les députés européens et par le conseil. Il y en a au moins pour un an. Il faut donc s’attendre à un an de lobbying intense de la part des Gafa pour essayer de torpiller ces textes. Comme le dit Thierry Breton : « je les connais et je les attends de pied ferme ». Une autre bataille commence…

L’UE dévoile son plan pour dompter les géants du numérique

 

Une liste d’obligations et d’interdictions assortie de sanctions dissuasives en cas de non respect, l’UE présente mardi son plan pour imposer enfin sa loi aux géants du numérique accusés d’abuser de leur pouvoir sans assumer leurs responsabilités.

C’est un changement complet de philosophie. Après des années à courir en vain après les infractions de Google, Facebook ou Amazon dans les procédures interminables du droit européen de la concurrence, Bruxelles veut changer de braquet pour aller vite et agir en amont, avant que des dérives soient constatées.

« L’objectif n’est pas de faire disparaître les grandes plateformes, mais de leur imposer des règles pour éviter qu’elles fassent peser des risques sur notre démocratie », a expliqué le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, qui porte le dossier avec la vice-présidente en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager.

Télétravail et visioconférences, achats sur internet, cours en ligne… La pandémie de coronavirus a accru la place du numérique dans la vie quotidienne des Européens.

Mais ces nouveaux services, devenus indispensables, engendrent des dérives : discours de haine diffusés à grande échelle, manipulation de l’information, mort du petit commerce, tendance des géants à former des conglomérats limitant la concurrence…

L’exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s’engouffrent les entreprises.

Premier volet: le Règlement sur les Services Numériques (« Digital Services Act », DSA) doit responsabiliser l’ensemble des intermédiaires, mais davantage encore les plus grandes plateformes qui devront disposer des moyens pour modérer les contenus qu’elles accueillent et coopérer avec les autorités.

Il représente une mise à jour de la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes d’aujourd’hui n’étaient encore que de jeunes pousses, voire n’existaient pas encore.

Deuxième volet: le Règlement sur les Marchés Numériques (« Digital Markets Act », DMA) imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit « systémiques », une dizaine d’entreprises dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence. Parmi eux, les cinq « Gafam » (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

– « Changer significativement » –

Ils se verront imposer des règles portant sur la transparence de leurs algorithmes et l’utilisation des données privées, au coeur de leur modèle économique. Ils devront notifier à la Commission tout projet d’acquisition de firme en Europe.

Ces champions de la valorisation boursière sont accusés d’imposer leur loi aux concurrents quand ils ne les ont pas tout bonnement anéantis.

Ils devront « changer significativement leur façon de procéder », a affirmé M. Breton, estimant que l’espace numérique devait profiter à toutes les entreprises, même les plus petites.

A ces règles sont accolées des sanctions. Selon des sources européennes, elles iront jusqu’à 10% du chiffre d’affaires pour de graves infractions à la concurrence, et dans les cas extrêmes, pourront déboucher sur un démantèlement : l’obligation de céder des activités en Europe.

En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6% du chiffre d’affaires. Une interdiction de poursuivre son activité en Europe pourra être imposée « en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens ».

Ce projet sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les Etats membres. Il intervient alors qu’aux Etats-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d’avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Bruxelles attend un fonctionnement du marché numérique plus harmonieux et plus équitable qui favorisera l’émergence d’acteurs européens, alors que l’UE accuse un retard inquiétant dans la nouvelle économie.

Face à cette offensive, les mastodontes américains préparent un lobbying intense pour atténuer le projet, comme l’a révélé la fuite en novembre d’un document interne de Google évoquant une volonté d’affaiblir Thierry Breton.

Le projet de la Commission risque d’aboutir à « des règles brutales et rigides ciblant la taille au lieu de sanctionner les conduites problématiques », estime Kayvan Hazemi-Jebelli, en charge des questions de concurrence pour La Computer and Communications Industry Association (CCIA) qui représente des entreprises du secteur. Il y voit un danger pour l’innovation et la croissance en Europe.

T.L
 
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le 5 décembre 2020 à Bruxelles© Julien WARNAND © 2019 AFP La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le 5 décembre 2020 à Bruxelles

La Commission européenne prévoit dans son projet de nouvelle législation du numérique des amendes allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires pour les géants du secteur se rendant coupable de graves infractions à la concurrence, selon des sources européennes.

En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6% du chiffre d’affaires et même « l’interdiction d’opérer » sur le marché européen « en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens », ont indiqué lundi à l’AFP des sources concordantes ayant connaissance du projet qui sera dévoilé mardi.

Le Parisien avec AFP
L’exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s’engouffrent les entreprises.© AFP/DENIS CHARLET L’exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s’engouffrent les entreprises.

La Commission européenne prévoit dans son projet de nouvelle législation du numérique des amendes allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires pour les géants du secteur se rendant coupables de graves infractions à la concurrence.

Le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton avait déjà indiqué que ce type d’infractions pouvaient même déboucher, dans les cas extrêmes, sur une obligation de se séparer d’activités en Europe pour les acteurs mis en cause.

En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6 % du chiffre d’affaires et même « l’interdiction d’opérer » sur le marché européen « en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens », ont indiqué des sources concordantes ayant connaissance du projet qui sera dévoilé mardi.

Menaces sur la démocratie et l’économie

Au terme d’un travail de plusieurs mois, la Commission européenne va présenter des textes très attendus qui doivent limiter la puissance des géants américains du secteur comme Google ou Facebook.

Ce projet, qui sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les Etats membres, intervient alors qu’aux Etats-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d’avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Discours de haine diffusés à grande échelle sur Internet, manipulation de l’information, mort du petit commerce, tendance des géants à former des conglomérats limitant la concurrence… La Commission européenne entend sévir pour éviter des dérives qui vont jusqu’à mettre en danger la démocratie et l’économie. La protection des données personnelles représentent un autre enjeu crucial, comme l’a mis en lumière le scandale Cambridge Analytica en 2018.

Une forme d’impunité sous le statut d’hébergeur

L’exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s’engouffrent les entreprises.

Premier volet : le Règlement sur les Services Numériques (« Digital Services Act », DSA) doit responsabiliser l’ensemble des intermédiaires en ligne et leur imposer des obligations sur les contenus qu’ils accueillent.

Il représente une mise à jour de la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes d’aujourd’hui n’étaient encore que de jeunes pousses, voire n’existaient pas encore. Cette directive leur offrait une forme d’impunité en leur permettant de se réfugier derrière un statut de simple hébergeur.

LIRE AUSSI > Google, Apple, Facebook, Amazon… Comment les géants du numérique échappent à l’impôt

Deuxième volet : le Règlement sur les Marchés Numériques (« Digital Markets Act », DMA) imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit « systémiques » dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence. Le DMA précisera les critères définissant cette catégorie d’entreprises.

LIRE AUSSI > E-Commerce : Bruxelles accuse Amazon d’enfreindre les règles de concurrence

Elles devraient être environ une dizaine, dont les cinq GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Ces groupes géants se verront imposer des interdictions et obligations portant notamment sur la transparence de leurs algorithmes et l’utilisation des données privées.

Adrien Schwyter
Vie privée: Apple joue le bon élève avant une hausse des régulations© Apple Vie privée: Apple joue le bon élève avant une hausse des régulations

Alors que l’Union européenne présente mardi 15 décembre une nouvelle directive pour mieux réguler les grandes plateformes numériques, Apple annonce de nouvelles fonctionnalités de respect de la vie privée dans son App Store.

Si tout est histoire de timing, celui-ci est significatif. A quelques heures de la présentation des Digital Services Act et Digital Markets Act par l’Union européenne mardi 15 décembre, sensés augmenter la régulation des grandes plateformes du numérique, Apple annonce de nouvelles modifications de son App Store afin de permettre aux utilisateurs un meilleur respect de leur vie privée. La firme de Cupertino est actuellement sous pression. 

De nombreux publicitaires en Europe ne digèrent pas les nouvelles modifications mises en place dans son nouveau logiciel iOS14, qui préviennent les utilisateurs de l’utilisation de trackers publicitaires par des applications, leur permettant de les désactiver. La fronde est devant l’Autorité de la concurrence en France qui doit se prononcer en urgence. C’est dans ce contexte explosif qu’Apple a décidé de pousser son avantage comparatif dans un meilleur respect de la vie privée de ses utilisateurs. Désormais, ce ne sont plus seulement les applications qui sont concernées au moment de leur utilisation, le changement se produit dans l’App Store lui-même.

© Fournis par Challenges

Les développeurs ciblés

Ainsi tous les développeurs devront désormais, lors d’une mise à jour de l’application ou lors de la publication d’une nouvelle application, détailler les données collectées et pourquoi ils procèdent ainsi. Il est intéressant de noter que cette notion d’utilité dans la collecte de données est proche de la réglementation européenne (RGPD). Les données collectées par une application seront divisées en trois catégories: « les données utilisées pour vous suivre », « les données rattachées à vous » et « les données non rattachées à vous ». La terminologie de « données pour vous suivre » comprend également la collecte de données d’une application pour le compte d’autres sociétés, ou pour revendre ces données à des fins de publicités ciblées.

Ainsi un utilisateur pourra être informé des collectes de données par une application, dans l’App Store, avant même qu’il choisisse de télécharger celle-ci. Apple se défend de tout changement structurel de son App Store: ce changement « ne nécessite pas pour les développeurs de changer leur application ou leur business model, cela concerne simplement le fait de fournir aux utilisateurs plus de transparence à propos de leurs données ». Pour autant, l’utilisateur pourra désormais faire clairement son choix entre deux applications concurrentes en fonction de l’utilisation des données qu’elles font. Incidemment donc, le business model de nombreuses applications gourmandes en collecte de données pourrait être menacé.

Lire aussiHaro sur l’App Store d’Apple

Question sur le double standard

En ciblant en amont les applications, avant même qu’elles soient téléchargées, Apple utilise un autre angle d’attaque qui devrait fortement énerver les publicitaires. Dans leurs récriminations sur les mises à jour d’iOS 14, ils reprochent surtout à Apple leur double standard: de pouvoir bloquer les trackers d’applications tierces quand ceux d’Apple seraient activées par défaut. « Il n’y aura pas de double standard entre une application Apple et une autre application, répond la firme à la pomme. Entre l’application iMessage et WhatsApp par exemple, l’information sur l’utilisation des données sera aussi détaillée. »

Depuis des années, Apple a opté pour une différenciation forte sur les questions de respect de vie privée, par rapport à ses concurrents. Si officiellement, Apple poursuit la mise en place des mises à jour qui donneront à l’utilisateur la possibilité de bloquer les traqueurs publicitaires dans les applications, face au tollé et aux recours engagés par l’industrie, la firme de Cupertino temporise. Prévu à l’origine au début d’année 2021, sans plus de précisions, ce changement est désormais décalé à mars ou avril prochain.

un bon serviteur et un mauvais maitre

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USA: le ministre de la Justice n’a pas « vu de fraude » pouvant changer le résultat de l’élection

Le ministre américain de la Justice Bill Barr le 15 juin 2020 à Washington
Le ministre américain de la Justice Bill Barr le 15 juin 2020 à Washington

Charlotte PLANTIVE

Le ministre américain de la Justice Bill Barr a déclaré mardi ne pas avoir constaté « de fraude » suffisante pour invalider la victoire de Joe Biden à la présidentielle, contrairement aux affirmations de Donald Trump.

Cet ultra-conservateur de 70 ans est le premier membre de la garde rapprochée du président à prendre ses distances publiquement avec les allégations d’élection « truquée » martelées par M. Trump.

« A ce stade, nous n’avons pas vu de fraude à une échelle susceptible de changer le résultat de l’élection », a-t-il déclaré dans un entretien à l’agence américaine Associated Press.

« Il y a eu des allégations de fraudes systématiques, selon lesquelles des machines auraient été programmées pour fausser les résultats des élections », a-t-il rappelé. Mais les ministères de la Sécurité intérieure et de la Justice « ont enquêté et, pour l’instant, n’ont rien trouvé pour les étayer ».

A la mi-journée, mardi, Bill Barr a été aperçu à la Maison Blanche. Cette visite était « prévue » avant la publication de ses propos, a assuré sa porte-parole Kerri Kupec, sans mettre un terme aux spéculations sur un possible départ de « l’Attorney General » des Etats-Unis.

« Je suppose qu’il sera le prochain à être limogé puisque, lui aussi, dit désormais qu’il n’y a pas eu de fraude », a déclaré le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer.

Quatre semaines après le scrutin, Donald Trump refuse toujours de concéder sa défaite. Avec ses alliés, il a introduit des dizaines de recours en justice qui, pour la plupart, ont été rejetés par les tribunaux ou abandonnés.

– « Tout notre respect » –

Dimanche, il avait reproché au ministère de la Justice et à la police fédérale de ne pas l’aider dans son combat. « Ils sont portés disparus », avait-il dit sur la chaîne Fox News.

« Il y a une tendance croissante à utiliser le système judiciaire comme outil pour régler tous les problèmes et quand les gens sont mécontents de quelque chose, ils attendent que le ministère de la Justice débarque et +enquête+ », a regretté Bill Barr.

Ce pilier du gouvernement, très apprécié des élus républicains, s’était gardé jusque-là de contredire le président et avait même, avant l’élection, abondé en son sens, en mettant en cause la fiabilité du vote par correspondance.

Début novembre, il avait autorisé les procureurs fédéraux à enquêter sur des soupçons de fraude sans attendre la certification des résultats par les Etats, contrairement aux usages. Mais il les avait appelés à intervenir uniquement en cas d’allégations « substantielles » et « crédibles ».

Ses déclarations représentent donc un coup particulièrement dur pour Donald Trump.

Dans un communiqué, les avocats du président ont cherché à les minimiser.

« Avec tout notre respect pour l’Attorney General, il n’y a eu aucun semblant d’enquête au ministère de la Justice », ont écrit Rudy Giuliani et Jenna Ellis dans un communiqué.

« Son opinion ne semble pas basée sur une connaissance ou une enquête sur des irrégularités substantielles et des preuves de fraude systématiques », ont-ils ajouté, en promettant de « poursuivre leur quête de la vérité ».

Lors du scrutin du 3 novembre, l’ancien vice-président Joe Biden a remporté plus de 80 millions des suffrages contre un peu moins de 74 millions pour Donald Trump.

Le démocrate a réussi à reprendre une poignée d’Etats-clés qui avaient voté pour le républicain en 2016 et dispose de 306 grands électeurs contre 232 pour son rival.

Même si le président sortant ne reconnaît pas sa défaite, le collège électoral devrait donc confirmer sa victoire le 14 décembre pour une prise de fonction le 20 janvier.

États-Unis.

Contredisant Trump, Barr dit “ne pas avoir vu de fraude” pouvant changer le résultat de l’élection

Le ministre de la Justice américain, William Barr, et le président Donald Trump, dans le Maryland, le 1er septembre 2020.  MANDEL NGAN / AFP
Le ministre de la Justice américain, William Barr, et le président Donald Trump, dans le Maryland, le 1er septembre 2020.  MANDEL NGAN / AFP

Le ministre de la Justice américain, William Barr, a déclaré mardi “ne pas avoir constaté de fraude” suffisante pour invalider la victoire de Joe Biden à la présidentielle, contrairement aux affirmations de Donald Trump.

Le désaveu est d’autant plus “remarquable” qu’il vient de “l’un des plus fervents alliés” du locataire de la Maison-Blanche, relève Associated Press (AP). “Contredisant les affirmations persistantes et sans fondement du président Donald Trump”, le ministre de la Justice américain, William Barr, a affirmé mardi 1er décembre ne pas avoir constaté “de fraude” suffisante pour invalider la victoire du démocrate Joe Biden à la présidentielle du 3 novembre.

Dans un entretien accordé à l’agence de presse américaine, William Barr a déclaré :

À ce stade, nous n’avons pas vu de fraude à une échelle susceptible de changer le résultat de l’élection. Il y a eu des allégations de fraudes systématiques, selon lesquelles des machines auraient été programmées pour fausser les résultats des élections. Mais les ministères de la Sécurité intérieure et de la Justice ont enquêté et, pour l’instant, n’ont rien trouvé pour les étayer.”

“Barr rompt avec Trump sur les allégations de fraude électorale”, résume The Hill.

Le mois dernier, William Barr avait demandé aux procureurs fédéraux d’enquêter sur tout élément crédible accréditant l’hypothèse d’une fraude électorale, tout en leur recommandant d’éviter d’examiner de près “les accusations fantaisistes ou improbables”.

Riposte “cinglante” de Giuliani

Donald Trump, qui le 24 novembre a permis à son administration d’enclencher le processus de transition, refuse toujours de concéder sa défaite. Dimanche, rappelle Fox News, il avait, sur la chaîne, reproché au ministère de la Justice et à la police fédérale (FBI) de ne pas l’aider dans son combat pour prouver l’existence de fraudes, selon lui massives. “Ils sont aux abonnés absents”, avait-il dit.

M. Trump n’a pas commenté directement les remarques du ministre de la Justice sur l’élection, note AP. Mais les avocats du président ont riposté dans la foulée. “Avec tout notre respect pour le ministre, il n’y a eu aucun semblant d’enquête au ministère de la Justice”, ont écrit Rudy Giuliani et Jenna Ellis, en promettant de “poursuivre [leur] quête de la vérité”, dans un communiqué que l’agence de presse qualifie de “cinglant”.

À la mi-journée, mardi, William Barr a été aperçu à la Maison-Blanche. Cette visite était “prévue” avant la publication de ses propos, a assuré sa porte-parole, Kerri Kupec. “Je suppose qu’il est le prochain à être viré”, a commenté le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer.

Un “autre allié” du chef de l’État a cependant “envoyé le signal” mardi qu’“il était prêt à passer à autre chose, après un mois surréaliste de poursuites judiciaires, de théories du complot et de dénégations par le président d’une défaite qui est avérée et décisive”, relève le New York Times. Évoquant les tractations au Congrès sur un plan d’aide à l’économie américaine, le président républicain du Sénat, Mitch McConnell, a dit qu’un nouveau round de discussions pourrait avoir lieu au début de l’année prochaine, “en fonction de ce que la nouvelle administration veut faire”.

États-Unis : le ministre de la Justice n’a pas « vu de fraude » électorale massive

Bill Barr, proche de Donald Trump, a indiqué mardi que ces fraudes n’étaient pas suffisantes pour « changer le résultat de l’élection ».

 Source AFP | Le Point.fr
A la mi-journee, mardi, Bill Barr a ete apercu a la Maison-Blanche, et de nombreux commentateurs speculaient sur son possible depart du gouvernement.
À la mi-journée, mardi, Bill Barr a été aperçu à la Maison-Blanche, et de nombreux commentateurs spéculaient sur son possible départ du gouvernement. © JOHN AMIS / EPA

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Etats-Unis : Donald Trump peut-il utiliser le droit de grâce pour se protéger d’éventuelles poursuites?

 Philippe Berry 

Plusieurs alliés l’encouragent recourir à ce pouvoir avant la fin de son mandat pour lui et ses proches, mais le débat juridique fait rageDonald Trump et les ses trois enfants de son premier mariage, Eric, Ivanka et Donald Jr, le 11 janvier 2017.© John Angelillo/SIPA Donald Trump et les ses trois enfants de son premier mariage, Eric, Ivanka et Donald Jr, le 11 janvier 2017.ANALYSE – Plusieurs alliés l’encouragent recourir à ce pouvoir avant la fin de son mandat pour lui et ses proches, mais le débat juridique fait rage

C’était il y a 18 mois. Avant que le procureur spécial Robert Mueller ne rende son rapport, Donald Trump avait affirmé sur Twitter avoir le « droit absolu » de s’accorder une grâce présidentielle. Et à un peu plus d’un mois de la fin de son mandat, alors qu’il est visé par plusieurs enquêtes, notamment du procureur de Manhattan, cette question revient sur le devant de la scène. Le président américain a déjà commué la peine de son ami Roger Stone l’été dernier, et gracié son ex-conseiller Michael Flynn fin novembre. Lundi, le présentateur de Fox News Sean Hannity a suggéré au président américain d’aller plus loin et d’assurer ses arrières, ainsi que celles de ses enfants, via une grâce préemptive sans précédent. Et à la légalité incertaine.

  • Que dit la constitution sur le pouvoir de grâce ?

Aux Etats-Unis, la grâce (le pardon, en V.O.) est l’un des pouvoirs présidentiels les plus vastes. Selon l’article 2 de la constitution américaine, un président « a le pouvoir d’accorder des sursis et des grâces pour crimes contre les États-Unis, sauf dans les cas d’impeachment ». Il n’y a presque aucune limite : la décision d’un président, en général sur recommandation du bureau de l’avocat des grâces, qui dépend du ministère de la Justice, est finale.

  • Donald Trump peut-il s’auto-gracier ?

La question divise les experts constitutionnels et n’a jamais été tranchée par la justice. La raison est simple : aucun président n’a franchi ce Rubicon. Richard Nixon avait demandé l’avis des avocats de la Maison Blanche, qui avaient répondu « non » dans un mémo, estimant « qu’un président ne peut pas se gracier lui-même car nul ne peut être juge et partie ».

Mais parce que la constitution ne l’interdit pas explicitement, si Donald Trump s’y risquait, des procureurs fédéraux souhaitant l’inculper après le 20 janvier devraient contester la légalité de cette grâce, explique à 20 Minutes Brian Kalt, professeur de droit à l’université Michigan State. Leur argument serait sans doute centré autour de la définition d’une grâce, accordée par une personne à une autre. Selon de nombreux juristes, un self-pardon s’apparenterait à un abus de pouvoir, en plaçant un ex-président au-dessus de toutes les lois. La bataille se terminerait sans doute devant la Cour suprême des Etats-Unis.

  • Donald Trump peut-il accorder une grâce préemptive à ses proches ?

Absolument. Il y a deux parties dans cette question. Un président a parfaitement le droit de gracier un proche – Bill Clinton l’avait fait pour son frère, Roger, condamné pour trafic de drogue. Et une grâce peut être « préemptive », décidée avant une condamnation. Richard Nixon n’avait même pas encore été inculpé quand il a été gracié par son successeur Gerald Ford.

Selon le New York Times, Donald Trump aurait évoqué avec ses conseillers la possibilité d’accorder une protection anticipée à son avocat Rudy Giuliani et à trois de ses enfants, Ivanka, Eric et Donald Jr, ainsi qu’à son gendre Jared Kushner. Selon les médias américains, Rudy Giuliani a fait l’objet, fin 2019, d’une enquête – dont on n’a pas de nouvelles – du procureur de Manhattan sur ses activités de lobbying en Ukraine pour obtenir la tête de l’ambassadrice américaine Marie Yovanovitch. Plusieurs alliés du président américain l’ont également encouragé à protéger ses enfants, qui pourraient être éclaboussés par l’enquête de la justice new-yorkaise sur les finances de la Trump Organization.

  • Une grâce doit-elle couvrir un crime spécifique, ou peut-elle être globale ?

Une grâce ne couvre que des crimes déjà commis. Mais l’étendue de la protection fait débat. Richard Nixon, notamment, avait bénéficié d’un chèque en blanc pour « toute infraction fédérale qu’il a commise ou pu commettre. » De la même façon, Donald Trump a accordé, lundi, une grâce quasi-absolue à son ancien conseiller Michael Flynn pour « any possible offense » («toute infraction ») qui dériverait de l’enquête de Robert Mueller. Là encore, on est en terrain presque inconnu.Donald Trump et son conseiller Michael Flynn, pendant la campagne présidentielle, le 29 septembre 2016. - John Locher/AP/SIPA© Fournis par 20 Minutes Donald Trump et son conseiller Michael Flynn, pendant la campagne présidentielle, le 29 septembre 2016. – John Locher/AP/SIPA

« La validité d’une grâce générale qui ne préciserait pas une infraction spécifique n’est pas établie », estime Brian Kalt.

Une grâce protégerait-elle complètement Donald Trump ?

Non, loin de là. D’abord car sa validité serait contestée en justice. Mais surtout, elle ne s’appliquerait qu’à des crimes fédéraux. Donald Trump pourrait donc, en théorie, toujours être inquiété au civil ou par la justice de l’Etat de New York. Le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, enquête sur de possibles faits de fraude fiscale, d’escroquerie à l’assurance et de manipulations comptables. Il s’intéresse également au paiement versé à l’actrice porno Stormy Daniels juste avant l’élection de 2016 – une affaire dans laquelle l’avocat de Donald Trump, Michael Cohen, a été condamné.

Au civil, la procureure de l’Etat de New York, Letitia James, se penche sur la Trump Organization, qu’elle soupçonne d’avoir menti sur la taille de ses actifs afin de payer moins d’impôts. Enfin, le président américain est également poursuivi en diffamation par deux femmes qui l’accusent d’agression sexuelle et de viol – et qu’il avait qualifiées de « menteuses ». Grâce ou pas, Donald Trump pourrait bien devoir se défendre sur plusieurs fronts.

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Enquête sur un système de corruption pour obtenir la grâce du président des États-Unis

Avec AFP

Le ministère de la Justice des États-Unis enquête depuis cet été au moins sur un « stratagème secret de lobbying » visant de « hauts responsables de la Maison Blanche » afin d’obtenir une « grâce ou un sursis » de la part du président américain.

Le ministère de la Justice des États-Unis enquête sur un système de corruption présumé qui aurait impliqué des financements de campagne électorale afin d’obtenir une grâce du président américain, révèle un dossier judiciaire publié mardi 1er décembre.

Le document – qui traite de la légalité de la recherche des communications et des dispositifs électroniques des individus, y compris les avocats – ne permet pas d’identifier des personnes, les noms ayant été caviardés.

Il fait cependant référence à un « stratagème secret de lobbying » visant de « hauts responsables de la Maison Blanche » afin d’obtenir une « grâce ou un sursis » d’exécution de peine, de la part du chef de l’État, pour un individu dont le nom n’apparaît pas.

Riche donateur

Ce système, qui fait l’objet d’une enquête depuis au moins le mois d’août, semble impliquer des lobbyistes et des avocats, un riche donateur ayant financé des campagnes politiques ainsi qu’une personne qui se trouve ou se trouvait en prison et compte sur une intervention présidentielle.

Selon le rapport, les lobbyistes et avocats auraient contacté les responsables de la Maison Blanche pour demander une grâce ou un sursis présidentiel, en citant les « contributions substantielles à la campagne effectuées par le passé » et les « contributions politiques importantes prévues » par un donateur. Il laisse entendre que le donateur a présenté cette offre au nom d’une personne sollicitant la clémence présidentielle.

Pas de référence à Donald Trump

Le document n’indique pas quand les actions en cause ont eu lieu. Et dans les parties où les noms n’ont pas été expurgés, il n’y a aucune référence au président actuel, Donald Trump, ni à sa campagne.

Mais le document a été révélé dans une période délicate aux États-Unis, alors qu’on y spécule sur le fait que Donald Trump – auquel il reste six semaines à la Maison Blanche après avoir perdu l’élection du 3 novembre – pourrait accorder la grâce présidentielle à davantage de personnes, après en avoir fait bénéficier son ancien conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn mercredi dernier.

Le président sortant a accordé des grâces ou des réductions de peine à plusieurs alliés politiques, dont son ancien conseiller de campagne Roger Stone, un ex-shérif controversé de l’Arizona Joe Arpaio, et le militant républicain Dinesh D’Souza. Il existe aussi un débat public sur le fait que Trump pourrait s’accorder une grâce lui-même, pour tout ce qui pourrait lui être reproché en justice en lien avec son mandat.

Donald Trump le 26 novembre 2020.© AFP/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS Donald Trump le 26 novembre 2020.

Donald Trump chercherait-il à protéger ses trois enfants les plus âgés et son avocat personnel à être condamné à justice ? C’est ce qu’a affirmé le New York Times, mardi 1er décembre.

C’est une information du New York Times , publiée le mardi 1er décembre : Donald Trump songerait à une grâce préventive pour ses trois enfants, son gendre et son avocat personnel et en aurait discuté avec ce dernier, Rudy Giuliani.

Éviter une « vengeance de Biden »

Le Président sortant craindrait, selon les sources citées par le quotidien américain, que le ministère de la Justice de l’ère Biden se venge en ciblant notamment ses trois enfants les plus âgés : Donald Trump Jr., Eric Trump et Ivanka Trump ainsi que le mari de cette dernière, Jared Kushner.

Pour l’instant, les craintes de Donald Trump concernant ses deux aînés ne sont pas claires, précise le New York Times, bien qu’une enquête menée par le procureur du district de Manhattan sur l’organisation Trump se soit étendue pour inclure des déductions d’impôts sur des millions de dollars en société, dont certaines semblent être allées à Mme Trump.

Quant à Rudy Giuliani, même si là encore, les contours sont flous, ce sont ses rapports à l’Ukraine qui inquiéteraient : l’homme a récemment fait l’objet d’une enquête par les procureurs fédéraux de Manhattan pour ses relations d’affaires en dans le pays et son rôle dans l’éviction de l’ambassadeur américain. L’affaire était au cœur de la destitution de Donald Trump, rappelle le quotidien. Les procureurs fédéraux de Manhattan enquêtent depuis 2019 sur le rôle de M. Giuliani et de deux de ses associés dans une vaste campagne de pression visant à pousser le gouvernement ukrainien à enquêter sur les rivaux de M. Trump, à savoir le fils de M. Biden, Hunter Biden.

L’avocat et ancien maire de New York a contre-attaqué sur Twitter : « Le New York Times ment encore. Je n’ai jamais eu la discussion qu’ils attribuent à tort à une source anonyme. Difficile de suivre tous leurs mensonges. »

 

Une enquête plus large en cours

Dans le même temps, une enquête plus large sur des soupçons de corruption pour obtenir des grâces présidentielles est menée, rapporte Reuters. Le département américain de la Justice enquête sur un potentiel stratagème criminel de versements d’argent à la Maison blanche en échange d’une grâce présidentielle, montrent des documents judiciaires rendus publics ce mardi 1er décembre par un tribunal fédéral.

La juge de district Beryl Howell a publié une ordonnance de 18 pages, grandement expurgée, décrivant ce qu’elle qualifie d’enquête pots-de-vin contre pardon. Peu de détails du stratagème présumé sont rendus publics, et aucun nom de suspects ou de personnes potentiellement impliquées n’est communiqué.

Selon le document, les procureurs à Washington ont dit avoir obtenu des preuves d’un schéma de corruption dans le cadre duquel un individu offrirait une importante donation politique en échange d’une grâce présidentielle ou d’un sursis.

L’ordonnance indique aussi que les enquêteurs s’intéressent à un mécanisme secret de lobbying, avec deux personnes non identifiées n’ayant pas respecté les dispositions légales pour intervenir auprès de hauts représentants de la Maison blanche.

Un représentant du département de la Justice a déclaré qu’aucun représentant du gouvernement n’est ou n’a été ciblé par l’enquête.

Kahina Sekkai

Visé par une enquête pour ses affaires en Ukraine, Rudy Giuliani a nié avoir demandé une grâce présidentielle à Donald Trump.

Rudy Giuliani© Jonathan Ernst / Reuters Rudy Giuliani

Une grâce préemptive en vue d’un changement d’administration ? Mardi, Rudy Giuliani a nié avoir discuté avec Donald Trump d’une potentielle grâce présidentielle le concernant. «Le NYT #FakeNews ment encore. Je n’ai jamais eu la discussion évoquée à tort par une source anonyme. Difficile de suivre tous leurs mensonges», a-t-il tweeté, quelques heures après que le «New York Times» a assuré que l’avocat personnel du président et ce dernier avaient discuté d’une possible grâce présidentielle pour l’ancien maire de New York, visé depuis cet été par une enquête fédérale aux contours encore secrets.

 

Les liens de Rudy Giuliani en Ukraine pourraient l’inquiéter : deux de ses anciens collaborateurs, qui auraient travaillé avec lui sur la piste d’un scandale de corruption mêlant Joe Biden et les affaires de son fils Hunter en Ukraine, sont poursuivis en justice. Lev Parnas et Igor Fruman ont été mis en examen, en octobre 2019, pour violation des lois sur le financement de campagne. Ils soupçonnés d’avoir tenté de faire jouer leurs relations aux Etats-Unis pour demander le renvoi de l’ambassadrice américaine en Ukraine, Marie Yovanovitch, «à la demande d’au moins un représentant du gouvernement ukrainien». Une employée respectée du département d’Etat que Rudy Giuliani avait déjà publiquement critiquée, la soupçonnant d’avoir fomenté les accusations contre Paul Manafort dans le cadre d’un plan ourdi par George Soros, donateur milliardaire pour les démocrates régulièrement cité par les théoriciens du complot.

Une connexion ukrainienne mêlée à la mise en accusation de Donald Trump

En octobre, deux semaines avant l’élection, Rudy Giuliani tentait toujours de faire naître un scandale venu d’Ukraine, martelant sa théorie selon laquelle un pays étranger a tenté d’influencer l’élection de 2016, mais pas la Russie contrairement aux affirmations des services américains de renseignement : il est persuadé que l’Ukraine est à l’origine d’une politique de déstabilisation des États-Unis. Il est convaincu que Joe Biden a influencé la diplomatie américaine pour favoriser les intérêts de la société pour laquelle travaillait son fils cadet : ce dernier a été membre du conseil d’administration de l’entreprise de gaz naturel de l’ancien ministre Mykola Slotschewskyj, Burisma Holdings, qui a été dans le viseur de l’ancien procureur général ukrainien Wiktor Schokin. Accusé d’avoir fermé les yeux sur de nombreux cas de corruption en Ukraine, ce dernier a été démis de ses fonctions par le Parlement ukrainien en 2016 après, notamment, une pression accrue des Etats-Unis qui menaçaient d’annuler un prêt d’un milliard de dollars. Une preuve de l’ingérence des affaires de Hunter Biden dans la diplomatie américaine, selon les pro-Trump, oubliant que les critiques virulentes envers le magistrat émanaient également de l’Union européenne.

Cette connexion ukrainienne de l’ancien maire de New York avait été évoquée lors de la procédure de destitution de Donald Trump, actée l’année dernière par la Chambre des représentants, où les démocrates sont majoritaires, avant que le Sénat à majorité républicaine ne l’acquitte en février dernier, après l’appel incriminant de l’été 2019 au cours duquel Donald Trump avait suspendu une aide militaire accordée à l’Ukraine, demandant à son homologue Volodymyr Zelensky l’ouverture d’une enquête sur Hunter Biden.