Brexit. Le Royaume-Uni et l’Union européenne s’offrent un divorce à l’amiable
Les Britanniques ne feront plus partie de l’Union européenne au 1er janvier. En se faisant le cadeau de Noël d’un accord sur leur future relation, les deux parties évitent une sortie sèche catastrophique.
L’Union européenne et le Royaume-Uni sont tombés d’accord sur les conditions du divorce qui prend effet au 1er janvier. L’accord conclu in extremis jeudi 24 décembre, après dix mois de négociations tendues, va épargner aux « ex » de se séparer fâchés ; il doit préserver les bonnes relations entre quelque 65 millions de Britanniques et 450 millions de citoyens de l’UE.
L’accord de 1 500 pages va maintenant être épluché par les Parlements britannique et européen. Londres devrait faire ratifier le texte dès le 30 décembre. Bruxelles laissera plus de temps aux eurodéputés, mais pas plus tard que le 28 février. Entre-temps, l’accord entrera en vigueur « provisoirement » .
Qu’y a-t-il dans cet accord ?
Un traité de libre-échange. Le principal sujet de l’accord est d’encadrer le commerce entre l’UE et le Royaume-Uni, qui s’élève à quelque 700 milliards d’euros par an. Le principe est « zéro tarif, zéro quota » : absence de droits de douane et de limitation des quantités. Mais attention ! Le Royaume-Uni quitte bien le marché unique, ce qui signifie que les marchandises devront se soumettre aux frontières à un contrôle sanitaire, des normes, etc. C’est donc un retour aux formalités de douanes. Cela pourra être très contraignant, par exemple pour les produits agroalimentaires.
L’autre gros sujet était d’empêcher que les deux blocs ne se livrent une concurrence déloyale, en subventionnant des secteurs d’activité, en abaissant les normes environnementales ou la fiscalité. Très réticent, Londres a fini par accepter de « coller » aux règles de l’UE, mais a obtenu que les litiges soient tranchés par un « panel d’arbitrage » et non plus par la Cour européenne de justice. À voir…
Et la pêche ?
Elle ne pèse pas lourd dans le total des échanges mais a failli tout faire capoter. Les deux blocs sont parvenus à un accord sur les quotas dans les très poissonneuses eaux britanniques.
Que va-t-il se passer le 1er janvier ?
Rien d’extraordinaire ! La fin de la liberté de circulation ne signifie pas la fin de la circulation. Source d’inquiétude majeure, la question des quatre millions de résidents européens du Royaume-Uni et du million de Britanniques résidant sur le continent a été réglée depuis plus d’un an. Ils conservent leur droit de résidence et de travail. Mais pas les nouveaux « immigrants », après le 1er janvier. Il faudra désormais un permis pour travailler à Londres et un visa au-delà de six mois. Et réciproquement pour les Britanniques à Paris.
Qui a gagné ? Qui a perdu ?
Tout le monde a gagné, au vu des réactions soulagées d’éviter la catastrophe du no deal qui aurait rétabli les droits de douane. Mais le Brexit fait perdre à beaucoup. Un exemple ? Les jeunes Européens qui ne pourront plus étudier dans une fac britannique grâce à Erasmus. Le Royaume-Uni, quatrième pays destinataire, sort du très populaire et efficace programme d’échange pour les étudiants.
La suite ?
Elle est pleine d’inconnues. Le diable se niche dans les détails des 1 500 pages de l’accord, président certains. Comment fonctionnera notamment le fameux mécanisme d’arbitrage censé régler les futurs litiges commerciaux ? Que va faire l’Écosse, dont la Première ministre, Nicola Sturgeon, a redit jeudi qu’était venu « le temps de l’indépendance » ?
Brexit : « Nous restons dans une situation difficile parce que le Brexit, c’était une erreur », estime un ancien député conservateur britannique
Quatre ans après le vote des Britanniques en faveur du Brexit et après des mois de négociations, l’Union européenne et le Royaume-Uni sont parvenus à un accord ce jeudi 24 décembre. Un soulagement pour l’ancien député conservateur Dominic Grieve, conscient que le chemin est encore long.Article rédigé par
« Nous restons dans une situation difficile parce que le Brexit, c’était une erreur« , a réagi jeudi 24 décembre sur franceinfo Dominic Grieve, ancien député conservateur britannique, après l’accord commercial conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni au sujet du Brexit. « Nous allons découvrir l’année prochaine que, même avec cet accord, il y aura des obstacles pour le libre-échange« , assure Dominic Grieve. Selon lui, les Britanniques n’ont pas « repris le contrôle de leur destin« .
franceinfo : Comment réagissez-vous à la conclusion de l’accord de Brexit ?
Dominic Grieve : Je suis soulagé qu’il y ait un accord parce que si nous n’avions pas eu d’accord, la situation sans accord le 1er janvier aurait été très difficile. Quant aux avantages de cet accord, du point de vue de l’intérêt national britannique, c’est assez douteux. Que cela réussisse, cela dépend de ce que nous allons perdre en quittant l’Union européenne, et il faut que ce que nous allons conserver par cet accord soit balancé en faisant des accords extérieurs que nous voulons et faire grandir notre économie. Et de ce point de vue-là, rien n’a changé. Nous restons dans une situation difficile parce que le Brexit, c’était une erreur. Ce que nous allons découvrir l’année prochaine, c’est que, même avec cet accord, il y aura des obstacles pour le libre-échange des produits.
« Nous avons repris le contrôle de notre destin« , dit Boris Johnson ce soir. Cela veut dire finalement qu’il a réussi son pari ?
Mais nous n’avons pas repris le contrôle de notre destin. D’abord, nous avions le contrôle de notre destin quand nous étions au sein de l’Union européenne. Deuxièmement, l’accord qu’il a signé, il est tout à fait évident que ça continue dans un sens à partager notre souveraineté, parce que tout accord commercial le fait. Voilà mon incompréhension de sa position. Du point de vue philosophique, je suis patriote britannique. Je crois à la souveraineté de mon pays, mais je ne la voyais pas entamée de cette façon par notre participation à l’Union. Donc, c’est un point de vue très différent de celui du premier ministre.
C’est surtout la tristesse qui l’emporte pour vous de voir ce point final à ce Brexit ?
Oui, mais ce n’est pas un point final parce qu’il est tout à fait évident que la proximité de nos partenaires européens sera la plaque dominante de notre future prospérité. Nous allons passer cinq à dix ans à refaire des liens avec l’Union européenne. Nous ne serons pas nécessairement un membre. Mais je suis absolument certain que dans les deux-trois ans à venir, il sera évident qu’il va falloir raccrocher des liens que nous avons forgés pour la première fois aujourd’hui, en abandonnant un accord de participation à l’Union qui était bon pour nous.
Après l’accord historique, Londres face aux défis du Brexit
C’est un grand chambardement. Après le soulagement apporté par la conclusion in extremis d’un accord commercial post-Brexit avec Bruxelles, le Royaume-Uni se trouve vendredi face aux défis que présente sa nouvelle vie, affranchi des règles de l’Union européenne, avec quelques jours pour s’y préparer. Le pire est évité avec la signature d’un compromis historique, au bout d’acrimonieuses négociations, qui permet d’éviter la brusque apparition de coûteuses barrières commerciales et la fermeture des eaux britanniques aux pêcheurs français dès le 31 décembre à 23h. C’est cependant un bouleversement majeur qui attend les Britanniques avec la sortie du marché unique et la fin de la libre circulation, après quatre ans et demi d’une saga à rebondissements provoquée par le référendum du Brexit et après près d’un demi-siècle d’intégration européenne.
Dans un message vidéo jeudi soir, le Premier ministre Boris Johnson a brandi devant le sapin du 10, Downing Street les centaines de pages de l’accord présenté comme un « petit cadeau pour ceux qui chercheraient quelque chose à lire dans la torpeur de l’après-déjeuner de Noël ». « Voici un accord pour apporter certitude aux entreprises et aux voyageurs et à tous les investisseurs dans notre pays à partir du 1er janvier », s’est félicité le dirigeant, triomphant dans les urnes il y a un an sur la promesse de « réaliser le Brexit ».
Si le Royaume-Uni est bien sorti de l’Union européenne le 31 janvier dernier, il continue jusqu’à la fin de l’année d’appliquer ses règles lors d’une période de transition. L’accord constitue une victoire pour Boris Johnson, qui a vu au fil de cette année, censée préparer l’après-Brexit, sa popularité mise à mal par une gestion erratique de la pandémie de Covid-19. Cette crise, qui lui a valu quelques jours en soins intensifs au printemps, a frappé le Royaume-Uni (près de 70.000 morts) comme peu d’autres pays européens. Avec des milliers de poids-lourds coincés et des craintes de pénuries de produits frais, la pagaille provoquée par la fermeture ces derniers jours des frontières d’une cinquantaine de pays, notamment les ports français, belges et néerlandais, a donné pour certains un aperçu du chaos qui attendait les Britanniques en cas d’échec des négociations commerciales avec Bruxelles.
Craintes des pêcheurs
Avec ce traité commercial, l’UE offre à son ancien Etat membre un accès inédit sans droits de douane ni quotas à son immense marché de 450 millions de consommateurs. Mais cette ouverture sera assortie de strictes conditions : les entreprises d’outre-Manche devront respecter un certain nombre de règles évolutives en matière d’environnement, de droit du travail et de fiscalité pour éviter tout dumping. Des garanties existent aussi en matière d’aides d’Etat.
Concernant la pêche, sujet difficile jusqu’aux dernières heures, l’accord prévoit une période de transition jusqu’en juin 2026, à l’issue de laquelle les pêcheurs européens auront progressivement renoncé à 25% de leurs prises, qui s’élèvent chaque année à 650 millions d’euros. L’UE a promis d’aider ce secteur qui estime être le « grand perdant » du compromis, présenté malgré tout comme « équilibré » et permettant d' »enfin laisser le Brexit derrière nous » selon la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
« Soulagement »
L’accord n’empêche pas cependant l’introduction de contrôles douaniers et des procédures administratives chronophages pour les entreprises habituées à échanger sans freins. Finie également la libre circulation permettant aux Européens de venir travailler à Londres ou à des Britanniques de passer autant de temps qu’ils le souhaitent dans leur résidence secondaire dans l’UE. Londres sort du programme d’échanges pour étudiants Erasmus, remplacé par le programme Alan Turing, du nom du célèbre mathématicien britannique.
Pour le quotidien The Times, l’accord constitue « une source de soulagement plus que de célébration ». Bien qu’il s’agisse « d’un succès remarquable », « c’est loin d’être la fin de l’histoire pour M. Johnson. Maintenant qu’il a rempli sa promesse de réaliser le Brexit, son défi est d’en faire un succès », poursuit-il. « Avoir évité le scénario du pire est un piteux succès. M. Johnson ne mérite aucun crédit pour éviter une calamité qui menaçait de si près parce qu’il s’y dirigeait avec enthousiasme », avertit The Guardian.
Au Parlement britannique, le texte sera discuté mercredi par les députés mais son adoption fait peu de doutes vu la majorité dont dispose le gouvernement et le soutien apporté par l’opposition travailliste. Côté européen, les ambassadeurs de l’UE se réunissent dès vendredi pour étudier l’accord. Il devra être validé par les Etats membres, un processus qui devrait prendre plusieurs jours. Il sera validé a posteriori par le Parlement européen début 2021.
« Boris Johnson a été élu Premier ministre pour réaliser le Brexit (…) il a donc toutes les raisons d’être content », observe Anand Menon, politologue directeur de l’institut UK in a Changing Europe, interrogé par l’AFP. Ce dernier prédit cependant des critiques à venir « quand les entreprises verront ce qui les attend en terme de paperasse et même peut-être des Brexiters les plus durs dans son propre parti quand ils verront les concessions accordées ».
Ce que l’accord post-Brexit change pour les Français
La signature de l’accord post-Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union européenne a avant tout des conséquences sur les relations commerciales entre les deux entités, notamment en matière d’importation et d’exportation de produits et de pêche. Mais pour le citoyen « lambda », cette nouvelle relation implique également quelques changements à prendre en compte.
> Les voyageurs
Pour les personnes françaises qui se rendent au Royaume-Uni pour le tourisme et les affaires, ce nouvel accord introduit un seul changement important: l’obligation de posséder un passeport expiré depuis 6 mois maximum, pour passer la frontière à partir du 1er octobre 2021. Un visa n’est pas demandé.
Rappelons que jusqu’à présent, la CNI (carte nationale d’identité) était suffisante pour passer la frontière.
Une exception néanmoins, les personnes étrangères qui résident au Royaume-Uni depuis une date antérieure au 1er janvier 2021 pourront encore utiliser leur carte d’identité jusqu’en 2025.
« C’est une petite formalité », commente sur BFMTV Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po et spécialiste des questions européennes.
« Nous pourrons continuer à aller à Londres pour faire du shopping, nous pourrons même aller en Ecosse, il n’y aura pas de barrières ».
Concernant les achats réalisés sur le sol anglais, le spécialiste confirme qu' »on pourra continuer à acheter et ne pas être soumis à des taxes quand on reviendra avec des produits de Londres ».
> Les étudiants
Surprise pour les étudiants: le Royaume-Uni a finalement décidé de ne plus participe au programme d’échanges universitaires Erasmus.
En 2017, le pays avait accueilli 31.727 étudiants européens et figurait sur la troisième marche du podium derrière l’Allemagne (34.497) et l’Espagne (48.595).
Le Royaume-Uni est également la deuxième destination pour les étudiants français qui sont environ 4500 à s’y rendre chaque année dans le cadre de leur cursus universitaire. Un parcours universitaire de plus de six mois exigera au 1er janvier l’obtention d’un visa étudiant.
> Les travailleurs
Pour les candidats souhaitant travailler au Royaume-Uni, un visa de travail, soumis à un système de points, sera désormais exigé.
> Les fans de produits anglais
Acheter des produits anglais en France pourrait se révéler à terme un peu plus coûteux. En effet, même avec l’accord qui permet d’éviter tout droit de douane, les formalités administratives entre les deux pays vont être alourdies et génèreront des coûts supplémentaires pour les entreprises britanniques qui exportent.
Ainsi, selon certains économistes, le prix des produits exportés pourrait augmenter de plus de 5% mais ces entreprises pourraient prendre à leur charge cette augmentation quitte à rogner sur leurs marges.
> Les expatriés
Plus de trois millions d’Européens vivent au Royaume-Uni, dont 300.000 Français, selon un rapport du Sénat. En vertu de l’accord de retrait, les expatriés français déjà installés de l’autre côté de la Manche (ou qui s’installeront avant la fin de la période de transition) conserveront leurs droits de résider et de travailler dans le pays. Et ce à vie.
Il faudra néanmoins s’enregistrer en ligne avant le 30 juin 2021 pour demander le settled status (statut de résident permanent) si on a déjà vécu cinq ans sur le territoire, ou le pre-settled status (résident temporaire) en attendant d’avoir cumulé les cinq années de séjour nécessaires.
Brexit : les grandes lignes de l’accord entre l’UE et le Royaume-Uni
Jeudi 24 décembre, l’Union européenne et le Royaume-Uni sont enfin parvenus à un accord, après de longs mois de négociations.
La Commission européenne a dévoilé jeudi 24 décembre les grandes lignes du partenariat économique et commercial conclu avec le Royaume-Uni, qui fixe un cadre aux futures relations entre les deux partenaires à partir du 1er janvier 2021. Concernant les biens tout d’abord, l’accord garantit des échanges sans droits de douane ni quotas pour « tous les biens qui respectent les règles d’origine appropriées ». Du jamais vu dans un accord commercial. Les entreprises du Royaume-Uni gardent ainsi un accès à l’immense marché unique européen de 450 millions de consommateurs. Et les firmes européennes aux 66 millions de Britanniques. Cet accord inédit permet d’éviter une rupture dans les chaînes de production, qui aurait été très problématique pour certains secteurs comme l’automobile.
Le Royaume-Uni et l’UE s’engagent à respecter des conditions de concurrence équitables « en maintenant des niveaux de protection élevés dans des domaines tels que la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique et la tarification du carbone, les droits sociaux et du travail, la transparence fiscale et les aides d’État ». Si l’une des deux parties manque à ses obligations en la matière, il sera possible de prendre « des mesures correctives », comme des droits de douane.
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Si le Royaume-Uni ou l’UE ne respecte par le traité, un mécanisme contraignant de règlement des différends, comme il en existe dans la plupart des accords commerciaux, sera chargé de trancher les litiges. Face à la ferme opposition de Londres, la Cour de justice de l’Union européenne n’interviendra pas dans ce processus. Un « Conseil conjoint » veillera à ce que l’accord soit correctement appliqué et interprété.
Une période transitoire de 5 ans pour la pêche
En ce qui concerne la pêche, qui cristallisait les débats depuis plusieurs semaines, l’accord prévoit de laisser aux pêcheurs européens un accès aux eaux britanniques pendant une période transitoire de 5 ans et demi, jusqu’en juin 2026. Pendant cette transition, l’UE devra progressivement renoncer à 25% de ses prises, qui s’élèvent en valeur à environ 650 millions d’euros par an.
En matière de transports, le traité garantit une connectivité aérienne, routière, ferroviaire et maritime continue, mais de manière moins avantageuse que si le Royaume-Uni restait membre du marché unique. Des dispositions visent à assurer que la concurrence entre les opérateurs s’exerce dans des conditions équitables « afin que les droits des passagers, des travailleurs et la sécurité des transports ne soient pas compromis ».
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Le Royaume-Uni continuera par ailleurs à participer à certains programmes de l’UE pour la période 2021-2027, comme le programme de recherche et d’innovation Horizon Europe, à condition qu’il contribue au budget européen. L’accord « établit un nouveau cadre » en matière de coopération policière et judiciaire, « en particulier pour lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme ». Cette coopération pourra être suspendue si le Royaume-Uni renonce à son adhésion à la Convention européenne des droits de l’Homme ou « à la faire appliquer au niveau national ». Enfin, la coopération en matière de politique étrangère, de sécurité extérieure et de défense n’est pas couverte par l’accord, le Royaume-Uni n’ayant pas voulu négocier cette question.
Brexit : « Le deal limite les dégâts », estime Bernard Spitz, président du pôle international et Europe du Medef
Les Britanniques avaient voté en faveur du Brexit il y a 4 ans. Depuis le pays et l’Europe négociaient la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’accord trouvé jeudi 24 décembre est donc une bonne nouvelle même si, pour Bernard Spitz, du Medef, « ça va créer pour tout le monde des difficultés ».
« Le deal limite les dégâts« , mais il reste encore des contraintes, a affirmé vendredi 25 décembre sur franceinfo Bernard Spitz, président du pôle international et Europe du Medef, après l’accord commercial post-Brexit conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Selon lui, il va y avoir « plus de paperasse, plus de délais, plus de coûts » dans les échanges entre l’UE et le Royaume-Uni. Bernard Spitz souligne que si Boris Johnson « limite les dégâts », l’Europe « a réussi à rester jusqu’au bout » et Michel Barnier « a réussi à fédérer tout le monde ».
franceinfo : Que change cet accord commercial pour les entreprises françaises qui font du commerce avec le Royaume-Uni ?
Bernard Spitz : Le deal limite les dégâts, mais reste le Brexit. Et le Brexit, cela veut dire qu’à partir d’aujourd’hui, le Royaume-Uni est un pays tiers. Ce n’est plus un pays dans l’Union européenne. Et les conséquences, c’est pour les entreprises un certain nombre de choses. D’abord, tout échange commercial devient de l’export et de l’import. Alors, c’est vrai qu’on a échappé aux droits de douane. Mais il y a quand même des formalités de douane. Il y a des formalités administratives. Ce sont des nouvelles données qui encadrent les transferts de données personnelles. Ce sont des contraintes lorsque vous mettez des produits sur le marché. Il va falloir des certifications. C’est encore plus net en matière sanitaire, par exemple. Mais même pour les pièces détachées, dans l’automobile, dans l’aviation, il va falloir des certifications pour que ces pièces puissent être assemblées. Et puis, il y a les individus surtout, parce qu’évidemment, ce n’est plus la même chose. Pour aller au Royaume-Uni, il va falloir avoir un visa. Ça change la règle du jeu jusqu’aux étudiants qui seront privés d’Erasmus par exemple.
Que ce soit pour les entreprises ou pour les individus, c’est beaucoup plus de paperasse pour tout le monde ?
C’est plus de paperasse, donc plus de délais, plus de coûts. Ça veut dire que ça va créer pour tout le monde des difficultés, spécialement pour les entreprises qui n’ont jamais travaillé en dehors de l’Union européenne. On sait qu’il y a à peu près 120 000 entreprises françaises qui exportent ou qui importent avec le Royaume-Uni. Mais le quart de celles-ci, c’est-à-dire environ 30 000, n’ont jamais échangé ailleurs que dans l’Union. Donc, pour elles, ça devient comme un marché extérieur. Il va falloir s’adapter à tout ça et c’est évidemment des complications et des coûts.
Vous étiez quand même préparé à pire ? Du côté des entreprises françaises, vous aviez anticipé l’absence d’accord ?
Je pense qu’un certain nombre d’entreprises se devaient d’imaginer tous les scénarios, y compris les scénarios du pire. Mais la volonté politique a été de part et d’autre d’arriver à un résultat. Parce que de toute façon, le Brexit, c’est mauvais pour tout le monde. En tout cas, sur le plan économique. Donc pour les entreprises, il fallait que cela le soit le moins possible et que tout le monde sauve la face. Boris Johnson s’est battu jusqu’au dernier moment. Il peut être satisfait parce que, d’une certaine façon, il a réussi à manœuvrer pour arriver à quelque chose qui limite les dégâts économiques pour son pays, y compris pour les entreprises britanniques qui ne voyaient pas cela d’un bon œil du tout. Et puis, il donne satisfaction à ces ultras en disant, on a repris le contrôle. Donc il peut dire qu’il y a une réalité au Brexit. Il a tenu les engagements tels qu’il les avait annoncés.
L’essentiel est sauf, puisqu’on n’a pas rompu les échanges commerciaux entre les entreprises françaises et leurs homologues britanniques ?
Ni avec les entreprises françaises, ni avec l’ensemble des entreprises de l’Union européenne. Mais ce qui est l’élément de satisfaction majeur, c’est que l’Europe a réussi à rester jusqu’au bout, jusqu’à Noël, à rester unis. Et ce n’était pas gagné. Hommage doit être rendu à Michel Barnier, qui a réussi à fédérer tout le monde et à faire en sorte que cet accord soit trouvé dans les meilleures conditions possibles.
Brexit : ce qui va changer pour les Français et les Britanniques à partir du 1er janvier
L’accord post-Brexit conclu jeudi entre les Britanniques et les Européens entrera provisoirement en vigueur à partir du 1er janvier. Qu’est ce que cela va changer pour les Français et les Britanniques? Commerce…
C’est un traité historique. Après de longues négociations, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont conclu jeudi un accord sur leur future relation commerciale, qui entrera provisoirement en application le 1er janvier. Soulagé de voir la perspective d’un « no deal » disparaître, le négociateur européen Michel Barnier a toutefois souligné que cet accord post-Brexit provoquerait « de vrais changements » « pour beaucoup de citoyens et d’entreprises ». Le JDD fait le point sur les conséquences de cet accord pour les Européens et les Britanniques.
Passeport et visa requis pour entrer au Royaume-Uni
Le Royaume-Uni n’étant pas dans l’espace Schengen, les voyageurs français et européens devaient jusqu’à maintenant présenter leur carte d’identité avant de franchir la frontière. Or, à partir du 1er octobre 2021, la carte d’identité ne suffira plus. Les Européens devront obligatoirement présenter leur passeport lors des contrôles des douanes.
Avant le 1er octobre, une pièce d’identité suffira pour venir au Royaume-Uni. Mais si le séjour dépasse les trois mois, alors il faudra faire une demande de visa, y compris si l’on se rend au Royaume-Uni pour travailler.
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Au Royaume-Uni, la carte européenne d’assurance maladie sera également caduque à partir du 1er janvier. Les voyageurs devront donc souscrire un contrat d’assurance médicale pour leur séjour.
Pour les Français résidant en Angleterre, l’accord fait preuve d’un peu plus de souplesse : jusqu’en 2025, ils seront autorisés à entrer sur le territoire avec leur carte d’identité. Environ 3,7 millions de citoyens européens vivent au Royaume-Uni, selon des données datant de 2018 et fournies par l’Office national des statistiques du Royaume-Uni.
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Malgré ces mesures remettant en cause la libre circulation des personnes, pour Aurélien Antoine, professeur de droit public à l’Université Jean-Monnet de Saint-Étienne, directeur de l’Observatoire du Brexit et auteur de l’ouvrage Brexit, une histoire anglaise (Dalloz, 2020). « peu de choses vont changer à partir du 1er janvier ». « Ce n’est qu’au fur et à mesure que les Britanniques vont remettre en cause les textes de l’UE », affirme-t-il, en précisant que l’accord prévoit, dans sa globalité, « plus de contraintes administratives ».
Erasmus au Royaume-Uni, c’est fini
L’accord signe la fin du programme Erasmus, qui permet aux jeunes européens d’aller étudier dans un autre pays membre de l’UE. Un nouveau programme le remplacera. Il portera le nom du célèbre mathématicien anglais Alan Turing, qui avait réussi à décrypter des codes nazis durant la seconde guerre mondiale. Il permettra aux étudiants britanniques de poursuivre leur cursus dans un pays de l’UE et dans d’autres pays du monde.
Les étudiants européens voulant aller étudier au Royaume-Uni, devront, eux, fournir un visa universitaire en cas de séjour de plus de six mois. S’inscrire dans une université britannique leur coûtera probablement plus cher et les formalités administratives seront certainement plus lourdes. En revanche, pour les 150.000 actuels étudiants Erasmus au Royaume-Uni, rien ne change au 1er janvier.
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Le Premier ministre Boris Johnson a jugé que le programme Erasmus coûtait « extrêmement cher » au Royaume-Uni. Les étudiants européens sont en effet plus nombreux à venir étudier au Royaume-Uni, que leurs camarades britanniques en Europe. De son côté, le négociateur européen Michel Barnier a demandé plus de « clarté » sur le nouveau programme annoncé jeudi par Boris Johnson.
De nombreuses règles vont encore s’ajouter dans les jours et semaines qui viendront. Les députés britanniques débattront également sur le texte le 30 décembre et l’accord doit encore être validé par le Parlement européen. D’ici là, ce traité provisoire pourrait donc être très légèrement modifié. Mais quoi qu’il en soit, il restera identique dans les grandes lignes. « Tout au long des négociations, les Etats membres ont eu leur mot à dire. Maintenant qu’il y a un accord, je vois mal le Parlement européen ne pas ratifier cet accord », prévoit Aurélien Antoine.
Pas de droit de douane sur les produits échangés
L’enjeu commercial était de taille dans ce traité : les échanges commerciaux entre l’UE et le Royaume-Uni représentent 700 milliards d’euros. Les deux parties ont donc prévu qu’aucun quota et qu’aucun droit de douane ne s’appliqueront sur les biens échangés, comme c’est le cas actuellement au sein de l’UE.
C’est une mesure importante car sans cet accord, les règles de l’Organisation mondiale du commerce se seraient appliquées et les droits de douane auraient été particulièrement élevés, notamment pour la viande, les produits laitiers et le poisson.
Les marchandises échangées d’un côté comme de l’autre de la Manche seront toutefois soumises à un contrôle douanier. L’exportateur et l’acheteur devront fournir des documents attestant cet échange et certifiant que les normes de sécurité alimentaires et phytosanitaires des produits sont respectées.
Ce système préférentiel pourra cependant être remis en question si l’une des parties ne respecte pas ses engagements, par exemple en termes d’environnement ou encore de droit du travail et fiscal. Les droits de douane pourront alors être rétablis.
Ces règles vont-elles avoir un impact sur les prix des marchandises échangées? « C’est possible », répond Aurélien Antoine. « Il n’y a de raison que les tarifs augmentent s’il n’y a pas de droits de douane. Mais sachant qu’il y aura des contrôles et des charges administratives supplémentaires alors on peut imaginer une répercussion sur les prix des produits », estime l’enseignant-chercheur. Il cite également « le risque de voir les tarifs postaux augmenter », qui « se distinguent déjà de ceux de l’Union européenne ».
Sur l’épineuse question de la pêche qui a retardé la signature de l’accord jeudi, les pêcheurs de l’Union européenne devront reverser au Royaume-Uni une somme représentant 25% de leurs prises dans les eaux britanniques, ce qui équivaut à environ 160 millions d’euros. Cette mesure entrera en vigueur à partir de juin 2026. Les quotas de pêche seront progressivement réduits pendant cette période de transition.
Brexit. Le « cadeau » de Boris Johnson est-il empoisonné ?
Le Premier ministre britannique a vanté jeudi soir comme « excellent » l’accord conclu avec l’Union européenne. Un bon moyen de faire oublier sa gestion calamiteuse de la pandémie du Covid. Quitte à tordre un peu la réalité…
En habile communiquant qu’il est, Boris Johnson s’est fendu jeudi soir, à l’heure du repas de Noël, d’un message vidéo aux Britanniques : « Ce soir, pour le réveillon, j’ai un petit cadeau […] Voici un accord pour apporter de la certitude aux entreprises et aux voyageurs et à tous les investisseurs dans notre pays à partir du 1er janvier, un accord avec nos amis et partenaires de l’Union européenne. »
Celui qui restera dans l’Histoire comme le Premier ministre qui a « livré le Brexit », voté en 2016 par 51,9 % des Britanniques, a fini le travail en décrochant un accord commercial. Au finish. Il sauve ainsi ce qui pouvait l’être d’une année 2020 calamiteuse. Car Boris Johnson prête le flanc depuis mars aux pires critiques pour sa gestion de la pandémie de Covid-19, qui a fait environ 70 000 morts au Royaume-Uni. En retard sur le confinement, multipliant les volte-face, BoJo est même tombé gravement malade en avril après s’être vanté de serrer les mains dans les hôpitaux.
« Joyeux Brexmas »
Quel meilleur moyen, pour faire oublier tout cela, que de vendre le Brexit comme « un nouveau départ » pour un pays « à la souveraineté retrouvée ». Les tabloïds, qu’il a dans la poche, le célèbre en inventant le « joyeux Brexmas », mot-valise qui mêle « Brexit » et « Christmas ».
Peu importe si Boris Johnson a fait des concessions majeures, comme accepter d’aligner les règles de la concurrence ou les normes britanniques sur celles de l’UE, sacrée entorse à la souveraineté. Peu importe que les 80 % de prises dans les eaux britanniques que les pêcheurs européens allaient devoir restituer, promis juré, sont tombées dans l’accord de jeudi à… 25 % !
L’avenir dira si la rupture avec l’UE a « libéré les forces créatrices du pays », comme l’affirme Boris Johnson ou atrophié sa stature comme le craignent les europhiles. Les économistes annoncent eux un recul de la richesse nationale pour les cinq prochaines années.
Brexit : les Français installés au Royaume-Uni regrettent « la fin d’une ère »
Après des mois de négociations, un accord a enfin été trouvé jeudi entre le Royaume-Uni et les 27. Londres garde un accès gratuit au marché unique, sans droit de douane, ni quotas, mais la libre-circulation des biens et des personnes est réduite : il faudra des visas désormais pour voyager ou travailler au Royaume-Uni. Après 19 ans de vie outre-Manche, Florence a décidé de rester et de demander sa nationalité. « Ca a été très dur, j’ai pleuré toute la journée du Brexit… mais je m’y suis préparée ! J’ai fait ma demande de résidence, ma demande de nationalité. J’ai décidé de m’intégrer », raconte-elle au micro d’Europe 1.
« Un sentiment de frustration »
Le vote du Brexit en 2016 a déjà changé beaucoup de choses pour les Européens installés de l’autre côté de la Manche. « Beaucoup de Français ont vu leur emploi relocalisé donc beaucoup de Français sont déjà partis », affirme Florence. Sa fille, Alexia, renchérit : « Il y avait aussi un sentiment de frustration pour les familles françaises qui sentaient qu’elles n’avaient plus leur place en Angleterre. » Elle imagine déjà un avenir profondément impacté par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. « Moi j’ai 23 ans et je pense que je suis la dernière génération des Français qui partent pour Londres pour trouver un stage et trouver un premier emploi. C’est un peu la fin d’une ère. »
Pour Florence, impossible d’imaginer la suite ou de prévoir les conséquences de l’accord. « Là on est dans l’obscurité. Je travaille dans l’éducation supérieure. Si les étudiants européens décident de ne plus revenir aux Royaume-Uni parce que c’est trop compliqué, ça remet en question mon travail. » Responsable d’un campus universitaire, elle attend de voir la prochaine rentrée scolaire et l’arrivée, ou non, d’étudiants étrangers.
Qu’est-ce que le programme Erasmus que le Royaume-Uni va abandonner?
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a abandonné le programme Erasmus dans le cadre de son accord post-Brexit conclu jeudi avec l’UE. Mais connaissez-vous bien ce programme? Chaque jour, l’antisèche du JDD…
C’est l’un des programmes phares de l’Union européenne. Le dispositif Erasmus permet aux jeunes Européens d’aller vivre plusieurs mois dans un pays de l’UE. Il porte le nom d’Erasme, théologien néerlandais de la Renaissance et symbole de la culture européenne. Erasmus s’adresse aux étudiants, aux stagiaires et aux jeunes qui souhaitent venir travailler dans un autre pays européen ou dans un pays partenaire du programme.
9 millions d’Européens ont bénéficié du programme Erasmus
Destiné seulement aux étudiants lors de sa création en 1987, Erasmus est désormais accessible aux entreprises et aux organismes souhaitant développer un projet à l’étranger. Depuis sa création, 9 millions d’Européens ont bénéficié du programme, dont le budget s’élève à 14,7 milliards d’euros. Le jugeant « extrêmement cher » pour le Royaume-Uni, le Premier ministre Boris Johnson a pris la « décision difficile » d’exclure le pays du programme, dans le cadre de l’accord commercial conclu entre Bruxelles et Londres jeudi. Aujourd’hui, environ 150 000 jeunes Européens étudient dans des établissements britanniques.