L’Europe était lundi sous le choc après le séisme politique provoqué par le triomphe du Front national en France et des europhobes de l’Ukip en Grande-Bretagne qui témoignent du rejet de l’Europe de Bruxelles et des élites nationales au pouvoir.

En dépit de cette forte poussée de l’extrême droite et des eurosceptiques sur le vieux Continent, la droite conservatrice garde toutefois le plus grand nombre d’élus au Parlement des 28.

premier parti Tirant les premières leçons de ce vote historique, le Premier ministre français, Manuel Valls, a réclamé lundi matin une « réorientation » de l’Union européenne. « Je suis convaincu que l’Europe peut être réorientée pour soutenir davantage la croissance et l’emploi, ce qu’elle ne fait pas depuis des années », a-t-il dit.

Les europhobes de l’Ukip sont arrivés largement en tête au Royaume-Uni avec un score historique de 29% et ont obtenu 23 des 74 députés européens du pays. « Vous n’avez pas fini d’entendre parler de nous », a lancé, triomphant, son chef de file Nigel Farage, à un an des législatives.

En France, profitant de l’impopularité record des socialistes au pouvoir, le Front national de Marine Le Pen est devenu le premier parti avec un score historique de 24,96%. Il décrocherait 24 sièges sur les 74 accordés à la France, un des pays fondateurs de l’UE, selon un décompte de l’AFP.

Le FN devance largement l’opposition de droite UMP (20,8%) alors que le Parti socialiste subit une nouvelle déroute avec moins de 14% des suffrages. Mme Le Pen a immédiatement appelé le président François Hollande à « organiser des nouvelles élections ».

« Séisme politique », titre lundi le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le quotidien allemand des affaires fait sa une, comme la quasi-totalité des médias germaniques et de la presse européenne, sur le triomphe du Front national.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, s’est dit « inquiet » de la victoire du FN. Interrogé pour savoir s’il s’agissait d’un « parti raciste », il a répondu: « Oui, et je pense que nous devrions être inquiets face à de tels développements dans le reste de l’Europe ».

Selon des résultats communiqués par le Parlement européen, et qui restaient toujours provisoires lundi en début de matinée, les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) sont en tête avec 212 sièges sur 751, contre 186 pour les socialistes. Les Libéraux obtiendraient 70 eurodéputés, suivis par les Verts (55). Les quatre partis pro-européens passent de 612 à 523 sièges.

Quant aux différents partis europhobes, qui ne constituent pas un bloc homogène, ils compteraient au total plus de 140 députés.

En Allemagne, qui envoie le plus fort contingent d’élus au Parlement européen (96), les conservateurs (CDU/CSU) de la chancelière Angela Merkel sont arrivés en tête, d’après des sondages sortie des urnes.

– Même des néonazis –

Mais, pour la première fois de son histoire, le parti néo-nazi allemand NPD va faire son entrée au Parlement européen. Crédité de quelque 300.000 voix et d’un score de 1%, le NPD obtient un élu.

Le nouveau parti anti-euro AFD, qui plaide pour une dissolution de la monnaie unique, fera lui aussi son entrée au Parlement avec un score d’environ 7%.

En Autriche, le parti d’extrême droite FPÖ, qui espère constituer un groupe avec le FN, progresserait nettement et arriverait en troisième position, avec près de 20% des suffrages, en hausse de plus de cinq points par rapport à 2009.

Au Danemark, c’est le Parti populaire, formation anti-immigration, qui est arrivé en tête avec près de 27% des voix et 4 des 13 sièges du pays.

Un petit parti europhobe polonais, le Congrès de la nouvelle droite (KNP), a obtenu 7,2% des voix et pourrait envoyer quatre députés au Parlement européen. En Hongrie, le scrutin a été largement dominé par le parti conservateur Fidesz du dirigeant Viktor Orban mais l’extrême droite ultra nationaliste du Jobbik arrivait en deuxième position avec près de 15% et trois sièges.

La forte poussée de l’extrême droite en Europe se traduit aussi par l’entrée du parti néonazi grec Aube dorée au Parlement. Crédité de 9 à 10% des voix, il pourrait envoyer trois élus à Strasbourg.

participation En Grèce, l’euroscepticisme se traduit en revanche par l’arrivée en tête du parti de la gauche Syriza d’Alexis Tsipras, qui obtiendrait six sièges, contre cinq à Nouvelle démocratie (droite), le parti au pouvoir.

En Espagne, les deux grands partis traditionnels, le Parti populaire de droite, et le Parti socialiste, ont connu une débâcle au profit de petites formations comme Podemos, né de la mouvance des indignés, qui obtient cinq sièges.

Mais en Italie, le populiste Beppe Grillo a été largement devancé par le parti démocrate, la formation de centre gauche du chef du gouvernement Matteo Renzi, qui a obtenu 41,5% des suffrages, selon les données des 3/4 des bureaux.

La gauche l’a aussi emporté en Roumanie et au Portugal.

– Appel au rassemblement –

La montée de l’extrême droite s’est faite sur fond de stabilisation de la participation à un faible niveau: 43,09% contre 43% en 2009, année où elle avait atteint son plus bas historique. Elle a même progressé dans plusieurs grands pays, notamment la France et l’Allemagne. Mais dans plusieurs pays d’Europe de l’Est en revanche, la participation, déjà très faible, a encore baissé.

Au total, la montée des forces anti-européennes « ne va pas changer la façon dont le Parlement travaille », avec un bloc pro-européen qui reste largement majoritaire. Mais il y aura des conséquences « sur les scènes politiques nationales et sur la façon dont les dirigeants nationaux agiront au sein de l’UE », estime Jan Techau, directeur du groupe de réflexion Carnegie Europe.

La bataille se profile déjà pour la présidence de la Commission européenne.

Le candidat du PPE, Jean-Claude Juncker a « revendiqué » la présidence de l’exécutif européen mais le candidat socialiste, Martin Schulz, a remis en question les projections du Parlement européen, qu’il préside, jugeant qu’elles n’étaient « pas vraies ».

Aucun parti ne disposant de la majorité, cette situation pourrait inciter les dirigeants européens à chercher une autre personnalité acceptable par les députés. Ils se réuniront dès mardi soir à Bruxelles pour en discuter.

GB: victoire historique aux Européennes pour l’Ukip europhobe

L’Ukip europhobe de Nigel Farage a remporté une victoire historique aux Européennes avec un score de 27,5% et un nombre de députés supérieur à ceux des trois partis classiques secoués par le « séisme », après le dépouillement de 10 des 12 régions électorales britanniques.

A l’annonce de sa propre réélection dans la région sud-est de l’Angleterre, peu avant 01H00 locale lundi (00H00 GMT), le patron de la formation populiste a réitéré sa déclaration de guerre à l’immigration, sa bête noire, et à l’Union européenne, dont il veut claquer la porte.

« Vous n’avez pas fini d’entendre parler de nous », a-t-il déclaré triomphalement, à un an des élections législatives.

« L’armée populaire de l’Ukip a parlé ce soir, et a délivré le résultat le plus extraordinaire en 100 ans de vie politique britannique », s’est vanté le dirigeant de 50 ans.

Depuis 1906, aucun autre parti que ceux des conservateurs et des travaillistes n’a remporté un scrutin national.

Vers 02H00 GMT, les résultats dans 10 des 12 régions électorales que compte le Royaume-Uni accordaient 23 sièges à l’Ukip, soit 14 de plus que dans le parlement sortant.

Le Labour d’opposition arrivait ensuite avec 25,4% et 18 eurodéputés. Les conservateurs au pouvoir, vainqueurs des précédentes Européennes, étaient relégués en troisième position à 23,9% des suffrages et 18 eurodéputés.

Pour les libéraux-démocrates europhiles, membres du gouvernement de coalition, le scrutin s’apparente carrément à une débâcle. Ils enregistraient un score misérable de 6,9% et ne conservaient plus qu’un siège de député, après en avoir perdu 9.

De quoi incommoder encore plus le vice-Premier ministre Nick Clegg, déjà confronté à des appels à la démission de la tête de ce parti.

Les résultats des deux dernières régions électorales, l’Ecosse et l’Irlande du nord, devaient être connus lundi aux alentours de la mi-journée.

Le Royaume-Uni compte 73 députés au parlement européen.

– Surenchère eurosceptique –

L’Ukip a progressé sur l’ensemble du territoire, aux dépens des conservateurs dans le sud et dans les fiefs travaillistes du nord. Il paraissait en voie de décrocher son premier siège en Ecosse où les indépendantistes du SNP devaient maintenir leur représentation au parlement de Strasbourg, à quatre mois d’un référendum d’autodétermination historique.

Le « séisme » promis avait été précédé d’une première secousse lors d’élections locales tenues en même temps que les Européennes jeudi. L' »Uk Independence Party » (Ukip, parti pour l’indépendance du Royaume-Uni) ayant réalisé à cette occasion une percée dans les conseils municipaux.

L’Ukip apparaît désormais comme un quatrième acteur de poids dans le paysage politique britannique et oblige les autres partis à clarifier sinon radicaliser leurs positions sur l’Europe, dans un pays traditionnellement eurosceptique.

C’est le cas du Premier ministre David Cameron, qui se retrouvera soumis à une pression accrue dans son propre camp, après avoir été contraint à promettre la tenue d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE en 2017.

Dès dimanche, Nigel Farage a demandé d’accélérer le calendrier.

Plusieurs médias conservateurs ont par ailleurs avancé ce week-end que le gouvernement s’apprêtait à introduire très prochainement une législation renforcée contre l’immigration.

Si l’Ukip n’a pour l’instant aucun député à Westminster, il espère en décrocher plusieurs aux législatives de mai prochain. Sinon avant, à l’occasion d’une partielle convoquée à Newark (centre de l’Angleterre) en juin.

Au parlement européen, il a jusqu’ici refusé toute alliance formelle avec le Front national, qui est arrivé en tête en France, avec 25,4% selon des résultats quasi définitifs.

« Nous allons avoir un bon nombre d’eurosceptiques élus au Parlement européen », s’est cependant félicité Farage, qui rêve d’une minorité de blocage des anti-UE.

« Je ne veux pas seulement que la Grande-Bretagne quitte l’Union européenne, je veux que l’Europe abandonne l’Union européenne », a-t-il lancé dimanche soir.

« Je ne crois pas que ce drapeau, cet hymne, et ce président dont personne ne connaît vraiment le nom représentent ce que l’Europe devrait être ».

« Je pense que jusqu’à maintenant l’intégration européenne, que vous le vouliez ou non, semblait inévitable et je pense que ce sentiment va disparaître avec les résultats de ce soir », a encore déclaré le leader de l’Ukip.

Le ministre conservateur des Affaires étrangères William Hague, tout en se disant « inquiet » de la montée des partis d’extrême droite en Europe, a estimé que Bruxelles devait entendre le « mécontentement croissant » des électeurs en opérant des réformes.

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EUROPENNES 2014 – Le parti de Marine Le Pen est arrivé largement en tête dimanche. Un bouleversement.

Voilà des semaines, sinon des mois que le Front national revendique le titre de premier parti de France. Les résultats des élections européennes de dimanche sont venus confirmer cette affirmation. Avec un score annoncé de près de 25%, le parti de Marine Le Pen est bel et bien arrivé en tête au plan national. Et largement, en plus. L’UMP, qui espérait rivaliser, voir battre la formation d’extrême droite, est au final loin, très loin, avec environ 20% des voix. Et qui dire du PS, piteux troisième avec moins de 15% des suffrages exprimés, selon les premières estimations.

Cette situation avait semble-t-il était anticipée au Front national, où des affiches avaient été préparées avant même le résultat du scrutin.


• Une première dans l’histoire de la République
Un part d’extrême droite en tête d’une élection nationale, c’est une première dans l’histoire de la République française. Il y avait bien eu le 21 avril 2002, quand Jean-Marie Le Pen s’était qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle, mais le président du FN de l’époque était arrivé deuxième, et avec un score bien moindre, 16,86%. Le séisme est cette fois d’une toute autre ampleur.

• Un record historique pour le FN
Le Front national a battu plusieurs records dimanche. D’abord, le parti frontiste n’avait jamais obtenu un score de plus de 20% dans une élection nationale. C’est désormais chose faite. Ensuite, le parti de Marine le Pen n’avait jamais autant brillé, et de loin, dans une élection européenne. Son meilleur score datait de 1989, avec 11,73% des suffrages. Un record explosé lors du scrutin de 2014.

Rappel des scores du FN aux élections européennes :

1984 : 10,95 %
1989 : 11,73 %
1994 : 10,52 %
1999 : 5,69 %
2004 : 9,81 %
2009 : 6,34 %

• Une sanction pour Valls
Ce score du FN est aussi une défaite pour Manuel Valls. Le Premier ministre a mouillé la chemise pendant la campagne, avec l’objectif revendiqué de barrer la route au Front national. Son activisme et ses nombreux déplacements n’auront finalement pas eu l’effet escompté, au contraire. Manuel Valls reste populaire dans l’opinion, mais cette défaite presque personnelle pourrait ressembler à la fin d’une sorte d’état de grâce pour le locataire de Matignon.

• Des électeurs qui ont boudé les enjeux européens
Si le FN l’a emporté, c’est aussi parce que ses électeurs se sont mobilisés non pas pour des enjeux européens, mais bien nationaux.Car si une majorité de Français dit avoir voté prioritairement en fonction d’enjeux européens, ce n’est pas le cas pour les électeurs frontistes. Selon un sondage Harris Interactive, 53% des Français (72% des électeurs PS et 54% des électeurs UMP) ont voté d’abord en fonction d’enjeux européens. Un chiffre qui n’atteint que 25% parmi les électeurs FN. 38% des Français (mais 67% des électeurs FN) disent par ailleurs avoir voté pour exprimer leur insatisfaction contre le gouvernement.

• Le mot d’ordre : dissolution
L’offensive du FN sur le gouvernement a commencé dès la divulgation des premiers résultats. Et le mot d’ordre est clair : réclamer la dissolution de l’Assemblée nationale. « Selon nous, il faut aller devant le peuple », a très vite estimé Jean-Marie Le Pen sur France 2. Puis sa fille a pris le relais. « Le président de la République doit à présent prendre les dispositions qui s’imposent pour que l’Assemblée devienne nationale », a lancé la présidente du FN dans une déclaration. « Que peut faire d’autre le président de la République face à un désaveu aussi lourd ? », s’est-elle interrogée.

• Une baisse de l’influence française en Europe
La victoire du FN, qui pourrait truster près du tiers des 74 eurodéputés français, aura des conséquences concrètes sur le fonctionnement du Parlement. D’abord, le FN, fort de son score, sera l’incontestable leader des eurosceptiques à Strasbourg et Bruxelles. Ensuite, mécaniquement, les partis dits de gouvernement auront moins d’élus au sein des grands groupes. Ce qui se traduira fatalement par une baisse de l’influence française au Parlement.

Européennes 2014 : le score du FN, un choc à léchelle du monde

REACTIONS – La nette victoire du Front nationale fait vivement réagir la majorité et la classe politique dans son ensemble.

On l’attendait très haut. Il a tout simplement coiffé au poteau toutes les autres formations. Le Front national, avec 26% des voix, remporte les élections européennes, distançant nettement l’UMP (20,66%), selon des résultats partiels. En troisième position, le PS n’obtiendrait que 13,88% des voix. Le vice-président du Front national Florian Philippot a aussitôt salué « un score historique » faisant, selon lui, du parti d’extrême droite le « premier parti de France ». C’est en effet la première fois dans des élections générales en France que le Front National arrive en tête. Une déferlante frontiste accueillie comme un choc à gauche mais pas seulement.

« Un choc, un séisme ». Manuel Valls a estimé dimanche que les premiers résultats des européennes représentaient « un choc, un séisme », la France et l’Europe traversant selon lui un « moment grave ». Le Premier ministre a pointé un « score médiocre des partis de gouvernement, tout particulièrement de la majorité et de la gauche », après que le Front national fut arrivé en tête de l’élection européenne.